PORTRAIT :
Lionel CORRE,
tout entier en variétés

Lionel Corre, sous-directeur assurance à la direction générale du Trésor, est l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 21 novembre prochain. Voici son portrait.

Le bureau de Lionel Corre donne sur l’Accor Hôtel Arena. Mais pour y accéder, mieux vaut avoir un bon sens de l’orientation et être perspicace, tant les couloirs de Bercy se ressemblent et se confondent. En costume trois pièces gris, le sous-directeur assurance à la direction générale du Trésor nous accueille sourire en coin et œil perçant. Aux murs, des photos de places urbaines et de plages complètent le décor. Direct mais prudent, Lionel Corre parle vite, répond et ajoute des détails si besoin. Voici son portrait.

Lionel Corre est né le 23 août 1979, à Levallois-Perret (92), ville qu’il quitte avec le reste de la famille vers 5 ans.
Il grandit « à la campagne », dans une petite ville située en pleine forêt de Fontainebleau.
Lionel Corre est issu d’un milieu « de classe moyenne classique, un père ingénieur qui partait tôt et rentrait tard, une mère institutrice qui s’occupait d’une fratrie de trois… »
Au cours de sa scolarité, il se voit comme un « élève passionné par ce que je faisais, donc studieux, bosseur. J’aimais tout ! ». Serait-ce de la langue de bois ? Plutôt un parler correct en début d’entretien qui a une explication : « J’ai vécu avec une mère institutrice qui ne laissait pas beaucoup de place à autre chose que l’exigence forte, une exigence de soi ».
Il hérite aussi de principes forts comme « le sens du service public et le sens de faire les choses bien, complètement ». Il poursuit. « Le milieu familial conditionne beaucoup de choses. Ma mère était très impliquée, dans la préparation de la classe et les corrections de copies. Elle était très engagée dans cette mission de service public. L’effort paie, d’une façon ou d’une autre et la République reconnaîtra cet effort », lance-t-il.
Il ajoute dans un rire sonore, « bon, j’ai appris que c’était un peu plus compliqué que ça, avec la vie ! » Mais cette idée ne le quitte pas, il parle d’une « espèce de religion républicaine ».

Prépa obligatoire

Adolescent, il n’est pas encore dans cet esprit de service public mais confie « chercher quelque chose qui avait du sens. Il y avait le modèle des parents, mais à 15 ans je ne savais pas vraiment ce que c’était qu’un ingénieur. Je savais simplement que la case d’après était la prépa ».
Le modèle familial pousse à dépasser ce qu’ont fait les parents. Ainsi, « mon père avait fait la fac, pour moi il fallait que j’aille en prépa ».
De fait, ce sera à l’issue de ce passage à Louis-le-Grand qu’il opte pour Polytechnique, « une école tournée vers le service public ». Il existe une véritable pression parentale à réussir les études. « Ça construit un certain goût pour l’effort et les combats difficiles, parce que ce sont ceux dont on apprécie le plus la réussite », commente-t-il.
La prépa est l’occasion de s’installer à Paris, puisqu’il est interne à Louis-le-Grand, avant d’aller jusqu’au campus de l’X.
Il évoque divers souvenirs de son passage sur « le platal ». « C’est tout de même reculé, aller à Paris le week-end, c’était un premier effort ! Tout bon polytechnicien se souvient de la station RER Lozère, de ce petit chemin de terre qui monte et qui est juste un enfer l’hiver… », s’amuse-t-il.
Avec l’X, il fait l’armée, part en Outre-Mer et sera officier de réserve au 3e RPIMA de Carcassonne pendant quelques années après ses études. Alors qu’il est de l’année « sans », c’est à dire entre les derniers incorporables (année 78) du service militaire et les premiers à faire la journée d’appel et de préparation à la défense (à partir des enfants nés en 1980), il découvre « par hasard » un monde qu’il n’imaginait pas.
« Je n’ai pas grandi dans un milieu très militariste », s’amuse-t-il, « mais il fallait le faire, alors je l’ai fait vraiment ». Comme toujours. « C’est une expérience assez unique, si on n’ en n’a pas l’occasion, on ne connaît pas cette réalité humaine, cette mixité – mais je n’aime pas beaucoup le terme. J’ai continué en réserviste pour sortir un peu du microcosme parisien… C’était le bout du monde d’aller à Carcassonne, mais c’était l’occasion de fréquenter des soldats volontaires qui venaient de milieux très différents… »

D’occasions en opportunités variées

Enfant, il ne fait pas beaucoup de sport, « parce que ce n’était alors pas trop mon truc », avoue-t-il.
Mais il n’a plus le choix en prépa, à cause des concours et notamment celui de Polytechnique. « Paradoxalement, j’ai dû arrêter le violon car je n’avais plus le temps, mais je me suis mis au sport. Ça a été une découverte et ça a changé ma vie car j’en fais encore beaucoup maintenant », dévoile Lionel Corre, qui paraît toujours en excellente forme physique.
En entrant à l’X, il choisit le rugby, qu’il connaissait un peu pour l’avoir pratiqué au lycée. Alors qu’il s’est entraîné pour des sports individuels, il décrit son choix ainsi : « il y avait un peu ce côté ‘sport par excellence’ du rugby, le dépassement de soi et le sens du collectif, que je n’avais pas connu en prépa ».

Pour le service public

À cette époque, il dessine petit à petit sa carrière future. « C’est vraiment là que j’ai nourri l’idée du service public, au moins pour une partie de ma carrière », confie-t-il, reconnaissant que c’est souvent le cas des polytechniciens.
Au début des années 2000, le monde de la finance séduit, et Lionel Corre n’y est pas insensible. « C’était un corps en pleine croissance, en passe d’être fusionné avec le corps des Mines. Le monde de la banque et de l’assurance était en pleine transformation. L’assurance en soi, je ne savais pas trop ce que c’était, mais ça faisait partie du monde de la finance et on pouvait faire ses études à Sciences Po, ce qui était assez sympa ».
L’école de la rue Saint Guillaume est un parfait complément à l’X. Plus littéraire, avec plus de droit et une ouverture plus importante sur le monde, « c‘est là-bas que j’ai appris beaucoup de bases de mon métier », conclut-il.
Son entrée dans la fonction publique. « J’ai découvert l’administration et l’assurance en même temps. Les deux ce sont bien passés, j’ai beaucoup aimé mon passage au contrôle », lance-t-il. Deux mondes, deux générations s’affrontent alors. Les locaux rue de Châteaudun sont « poussiéreux », mais la commission devient l’ACAM, une autorité publique indépendante. « C’était une belle période du Contrôle, il y avait une forme d’émancipation et nous étions en face d’une forme d’aboutissement d’un parcours », se souvient-il.

Curieux de nature et toujours prêt à relever un défi, il quitte en 2008 l’ACAM pour le service des Participations de l’Etat, à Bercy. Il s’occupe alors de nucléaire et d’Areva, autre type d’entreprise, avec ses enjeux politiques. Il garde d’ailleurs sur un rebord de fenêtre un « tombstone », sorte d’objet-trophée, qui célèbre les travaux menés sur les grands chantiers et la recapitalisation du géant du nucléaire français.
Même si son premier moteur est l’intérêt général, Lionel Corre n’a eu, à l’entendre, que des postes passionnants. Il a un truc pour ça : il se lance dedans avec toujours la même énergie et la même fougue. « Beaucoup des fonctions sont ce qu’on en fait… Le défaut, c’est que c’est plus de stress que quand on prend les choses avec distance. Et puis c’est moi, je ne peux pas me changer. Le recul est important, la distance c’est ce qu’on apprend avec la vie ».
Ce poste lui donne l’occasion de passer deux ans en cabinet ministériel, comme conseiller énergie pour le ministre délégué. Ce fut « une expérience très très intense, vous ne faites pas ça très longtemps… » Il vit alors Fukushima, les fluctuations des prix de l’énergie « toujours trop élevés »…

Toujours au maximum

Comme toujours Lionel Corre apprend beaucoup et retient des principes forts. « J’ai appris le sens de la communication. Ce n’est pas suffisant d’avoir de bonnes idées et de faire de bonnes réformes, il faut savoir les expliquer et savoir quoi en faire ».
La fin de mandature, en 2012, lui offre une sortie pour une nouvelle aventure.
Il ne manquait alors au conseiller à l’énergie qu’une expérience digne de ce nom à l’étranger, « faire ce que je n’avais pas encore fait ».
Il a bien passé trois mois au Japon, lors de son stage ouvrier, « à monter des Nissan dans une usine avec des ouvriers japonais. J’espère qu’il n’y a pas eu trop de rappels », rit-il. Il a appris le japonais à l’X, mais reconnaît l’avoir perdu faute de pratique récurrente.
Il part pour Israël. « La relation était en train de s’améliorer, les patrons français redécouvraient le pays. Tout le monde parlait start-ups et Israël avait déjà développé cette économie ».
Une fois encore, il s’empare du poste là où d’autres auraient pu attendre les visites ministérielles.
Après plus de trois ans à Tel Aviv, retour à Bercy, où il est Secrétaire général du Comité interministériel de restructuration industrielle. Au Ciri, il baigne alors dans les situations de crise constantes, dans les derniers recours. Très direct dans sa façon de parler et d’aborder les sujets, il se plaît forcément dans cette mission qu’il « adore ».

Comme il n’y a pas que le boulot dans la vie, Lionel Corre cultive différentes passions en plus du sport. Par exemple, il chante depuis l’enfance. « Du chant lyrique, mais aussi de la variété française ou internationale ! Lors de mon passage en Israël, j’avais appris l’Hébreu et je chantais en Hébreu ! », lâche-t-il dans un rire sonore… Il pratique aussi le théâtre « en amateur » et aime passer ses week-ends « à faire beaucoup de choses ». « L’idéal, c’est si j’arrive à bien décrocher. Faire du sport, du théâtre, voir des amis, faire des expos. J’aime la variété, je n’ai pas un week-end type ! »
Ce qu’affectionne Lionel Corre, dans le travail ou dans la vie, c’est bel et bien la variété, dans laquelle il semble toujours se lancer avec passion.

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