Interview :
Pierre GATTAZ y croit et agit

L’association Y CROIRE ET AGIR est la bénéficiaire de la soirée caritative Les Triplettes de La Lettre.
Pierre GATTAZ, son fondateur, est bien connu. Ancien président du MEDEF, président du directoire de RADIALL, il revient sur la création de l’association en 2018 et sur sa vision du monde de l’assurance…

Pierre Gattaz, comment l’aventure Y Coire et Agir a-t-elle commencé ?

L’idée m’est venue, d’une part, parce que j’ai toujours été très sensibilisé au problème du chômage en France et des chômeurs longue durée dans des bassins d’emploi dévitalisés.
D’autre part, lorsque j’étais président du Medef, j’avais rencontré et aidé Moussa Camara qui a fondé l’association Les Déterminés. Il voulait aider et former à l’entrepreneuriat des jeunes des quartiers. Nous lui prêtions des salles de réunion au Medef et je le mettais en contact avec divers réseaux, bancaires, assurances ou autres.
À cette occasion, j’ai vu des gens un peu sur la défensive au début, parvenir à s’épanouir, à s’enthousiasmer autour de leur projet d’entreprise. Et après quelques semaines de formation gratuite, les jeunes que j’avais en face de moi avaient retrouvé une estime d’eux-mêmes, une combativité.
En sortant du Medef, j’ai dit à Moussa, « tu vis ta vie maintenant, tu es lancé, moi je veux faire ça dans la ruralité ».
J’ai donc créé Y croire et Agir en 2018 qui fait la même chose : former des chômeurs longue durée, des personnes fragilisées, dans des bassins d’emploi et des départements dévitalisés. Lorsque j’étais au Medef, nous traversions des territoires vides dans lesquelles, même si les gens veulent travailler, ils ne peuvent pas parce qu’il n’y a plus rien. Ceux qui viennent dans notre formation veulent changer de vie et nous leur apportons déjà un savoir être, une estime de soi et un parcours. Ils ne sont plus seuls au monde.

Pourquoi avez-vous fait ce choix de la « ruralité » ?

Il y a beaucoup d’associations dans les quartiers. Elles sont très bien, font un très bon travail et cherchent à faire sortir leurs bénéficiaires par le haut, par le talent, par l’expertise.
Dans la ruralité et les zones périurbaines il y en a moins. Les gilets jaunes sont venus des départements. Il reste beaucoup de poches de pauvreté en France. Par exemple dans les Hauts-de-France, ides territoires très riches côtoient des terres de pauvreté. En attendant la revitalisation et la réindustrialisation de la Lorraine, de Maubeuge ou des bassins miniers, les habitants ont besoin de services, d’artisanat, d’aides à domicile. C’est absolument nécessaire car ce sont des poches de désespoir et de colère. Ce sont des gens qu’il faut vraiment aider parce qu’ils le méritent.
Prenons l’exemple de Fourmies. C’est très joli, enclavé dans la forêt des Ardennes, mais il y a 30% de chômage, les déplacements sont compliqués… Nous les aidons à sortir de cet isolement, y compris géographique.
Après la formation, ils ne doivent pas rester seuls pour ne pas retomber dans la solitude. Y Croire & Agir est un sas pour avancer, nous travaillons avec des associations locales comme les missions locales ou Pôle emploi en amont et en aval. S’ils ne créent pas leur boîte, qu’ils puissent retrouver du travail dans un premier temps, c’est ce qui est important.
Nous avons un partenariat avec l’association des coachs certifiés HEC. Ce sont aujourd’hui 20 coachs qui offrent 10 h de coaching à nos participants qui en ont besoin.
Au final, je suis toujours très étonné de voir les effets. Ces personnes étaient un peu perdues, elles adorent la formation et retrouvent une estime de soi. C’est signe que nous les avons aidés. Ils ne vont pas tous créer leur entreprise, mais nous leur avons redonné la pêche, le savoir-être nécessaire pour séduire un patron !

Ancien président du Medef et chef d’entreprise, comment avez-vous mobilisé votre réseau ?

C’est vrai que j’ai connu Xavier Bertrand président de la région (depuis 2016) quand j’étais au Medef (entre 2013 et 2018, NDLR). Il nous a un peu aidés au départ, notamment pour ouvrir un certain nombre de portes dans la région.
Et évidemment, j’ai mobilisé le réseau des patrons et des Medefs locaux. Je les connais bien aussi parce que j’ai toujours cinq usines dans les territoires. Je suis allée dans les CCI locales aussi car j’ai une appétence naturelle à me tourner vers ces patrons et ces régions que j’aime beaucoup et qui font la France.
J’essaie toujours d’avoir des patrons de filiales de grands groupes et des artisans locaux qui veulent transmettre leurs expériences pour accompagner les promotions de Y Croire et Agir. Au début, ils ne comprenaient pas trop ce que l’ancien président du Medef venait faire ici. Mais très rapidement, ils ont vu que j’étais motivé et qu’il y avait de la substance dans mes propos.
C’est important pour moi que ces gens différents interviennent pour expliquer qu’avec de la persévérance, de la combativité, on peut y arriver. Même sans diplôme !

Quelles sont, pour vous, les différences entre la création d’entreprise à but lucratif et celle d’une association à but non lucratif ?

Il y a toujours un projet et une gestion de projet. Qu’est-ce qu’on veut devenir, qu’elle est notre raison d’être, pourquoi nous sommes là…
Mais le fonctionnement est un peu différent. Dans un cas, vous avez une obligation de profit pour durer et vous financer. Dans l’association, ce sont forcément des fonds de mécènes. J’ai commencé avec des amis, et après il a fallu faire de la levée de fonds auprès des fonds de dotation des entreprises et de l’action sociale. C’est un gros travail, permanent, à faire en parallèle de l’association car c’est le nerf de la guerre : sans ça, vous n’existez plus.
Dans une entreprise, il faut aller cherche des clients. Dans une association, il faut trouver des gens qui peuvent vous aider financièrement ou en mécénat d’entreprise, c’est-à-dire en nous mettant à disposition des personnes qui nous accompagnent pendant un ou deux ans.
Surtout, il faut être convaincant sur votre prestation et sur l’utilisation des fonds ! Nous avons mis en place des indicateurs de performance pour que l’argent, qu’il vienne de n’importe tout, soit utilisé vertueusement.

Y Croire et Agir est l’association bénéficiaire des Triplettes de La Lettre. L’événement est organisé par La Lettre de l’Assurance, un journal qui couvre le secteur de l’assurance.
Quel regard portez-vous sur le secteur de l’assurance ?

C’est un secteur fondamental et majeur. Nous vivons dans un monde chaotique, imprévisible. Il est essentiel d’avoir des assurances car elles sont des prises de risques collectives. Pour une entreprise comme pour le citoyen, le domaine de l’assurance est primordial.
Je pense aussi que l’assurance privée doit faire plus, y compris dans la protection sociale. C’est un clin d’œil et c’est beaucoup plus politique, mais sur la santé, la maladie, la prévoyance, nous pourrions tout à fait imaginer que cette assurance publique puisse est gérée un peu mieux par des instances privées. L’assurance privée devrait se positionner là-dessus. C’est un avis personnel, pour que l’assurance aille encore plus loin.

Y Croire et Agir a cinq ans. Aujourd’hui, est-ce que vous feriez différemment ?

D’ici cinq ans, l’association aura ouvert un établissement en Hauts-de-France pour pérenniser les actions, nous visons 2000 bénéficiaires par an.
J’ai un petit regret : nous aurions dû communiquer plus. Nous avons travaillé discrètement, dans notre coin, nous n’avons pas exploité toutes les possibilités d’être plus visibles, mais ça change.

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