PORTRAIT :
Martin Landais,
à la relance des découvertes

PORTRAIT : Martin Landais, à la relance des découvertes
PORTRAIT : Martin Landais, à la relance des découvertes

Martin Landais, sous-directeur des assurances à la direction générale du Trésor, sera l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 13 juin 2023. Voici son portrait.

Martin Landais nous reçoit dans son bureau du ministère de l’Économie et des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, c’est-à-dire à Bercy, tout simplement. En face, les pelouses pentues de la salle de spectacle sont inondées de soleil. Des sirènes, le métro aérien et les bruits de la rue se glissent parfois par une fenêtre entrouverte.
Derrière le sourire et les traits d’humour, une petite tension est palpable : l’exercice n’a rien de facile, y compris pour une autorité du secteur et Martin Landais s’évertue à dribbler les questions trop personnelles. Finesse technique et but en tête.

Martin Landais est né à Montréal, le 20 novembre 1978. « Nous étions au Canada parce que mon père, médecin, y effectuait sa coopération », explique-t-il. Il ne reste qu’une année sur place et n’en garde que « des souvenirs modestes ». Parce que Martin Landais pratique le second degré à l’envi, surtout face à des questions personnelles. « Je n’ai pas gardé l’accent, ou alors très faible, une pointe d’accent québécois », lâche-t-il dans un sourire.
Il grandit en banlieue parisienne, prenant soin de ne pas mentionner où, peut-être pour éviter d’éventuels clichés. Tout juste sait-on qu’enfant, il veut être « soit médecin soit banquier », ce qui le fait rire. « La banque, ce n’est pas du tout la fibre familiale. »
Au terme de l’entretien, il s’en amuse : « Je devais avoir entre 10 et 12 ans. C’est sans doute une mauvaise lecture dans le Journal de Mickey ». Devenir médecin est dans la reproduction de ce que fait son père. « L’ambition s’est éteinte mais je garde une grande admiration pour toute cette sphère ainsi que pour tous les personnages de médecins intellectuels, artistes, écrivains ». Ce qui lui plaît, c’est « le caractère complet et très humaniste de ce métier. Très proche à la fois de la souffrance, de la joie, des fragilités humaines. Ça m’a toujours toujours beaucoup impressionné ».

Complètement foot

Au cours de sa scolarité, Martin Landais est « un bon élève. J’aimais bien la compagnie, prendre les responsabilités, l’esprit collectif. » Ses phrases sont interrompues d’hésitations, cherchant sans doute la meilleure réponse. « Je travaillais », conclu-t-il.
Il revient plus facilement sur l’importance du collectif. « J’aimais bien les sports collectifs, j’ai fait beaucoup de football et ça apprend sur le fait de se donner pour l’équipe. J’étais milieu défensif, donc celui qui est rugueux ». Nous ajoutons « mais aussi organisateur », qu’il reprend dans un rire. « J’ai joué jusqu’au bac, dans le club de la ville. J’ai fait des détections comme tous les gamins quand j’étais petit mais je n’avais aucune ambition particulière, simplement j’adorai ça […] avec toutes les valeurs que ce sport incarne. Et les difficultés d’être un supporter de l’Olympique de Marseille en région parisienne », lâche-t-il dans un nouveau rire. « C’était l’OM des années 90, avec Carlos Moser, Basile Boli et Chris Waddle, il était incroyable ! C’est ça les grandes figures de référence », lance un Martin Landais passionné, qui raconte alors ses souvenirs du quart de finale épique contre l’AC Milan en 1991, illuminé par la classe du joueur anglais qui jouait avec un traumatisme crânien. Avant le foot, « Avant j’ai fait un peu de patinage artistique, mais ça m’est rapidement passé », sourit-il. « C’était bon pour travailler l’équilibre ! ».
En parallèle, il fait à cette époque beaucoup de piano. À la différence du football, qu’il a un peu continué en salle avant d’arrêter. « Il faut savoir raccrocher les crampons », s’amuse-t-il. Mais il n’a jamais arrêté le piano.

Science publique

Après le bac, Martin Landais se tourne vers « des études d’ingénieurs ». Parce qu’il cherche une forme d’essence de la matière. « J’ai alors l’idée d’un ingénieur intellectuellement passionné de sciences, avec un caractère désintéressé, une approche presque artistique des mathématiques ». Il n’a pourtant pas la volonté d’aller vers la recherche, mais plutôt d’explorer les mathématiques.
La sortie du lycée le fait changer de monde. « Un peu par le hasard des rencontres et des sélections, je me retrouve à Sainte-Geneviève à Versailles (aussi appelé ‘Ginette’, déjà croisé dans les portraits de La Lettre… ndlr), un établissement jésuite dont la devise est ‘Aimer Servir’. J’avais fait toute ma scolarité dans le public, et là je découvre un esprit collectif très fort, on travaille à sa réussite mais en servant celle des autres aussi. Ça m’a beaucoup aidé et beaucoup porté. J’ai gardé de très bons amis de cette période là. » La force du collectif appliquée à une scolarité d’excellence, il y a de quoi répondre à ses attentes.
À sa sortie de Ginette, il entre à l’école des Ponts et Chaussée. « Je me suis interrogé sur la voie à choisir. Il y a à la fois des filières très ingénieures, comme le génie civil, ou l’industrie, mais aussi économie, gestion et finance, ce que je choisis. Et pour la dernière année, je décide de poursuivre en finance avec un DEA Dauphine. » Malgré une année de césure en cabinet de conseil, chez Mars & Co, qu’il qualifie « d’extrêmement intéressante, l’apprentissage de la précision intellectuel, de la rapidité d’exécution, de la capacité d’analyse », il se découvre « une appétence pour le service public ». « Aux Ponts, je ne me suis pas encore formulé l’administration comme objectif parce que je ne me rends pas compte du chemin pour y arriver. Je commence à réaliser que c’est possible… Il y a des choses qu’on n’imagine pas à sa portée et qui, au fur et à mesure, se concrétisent. »
Martin Landais, sent « qu’il me manque quelque chose ». Le service public tient une place importante dans la famille, son père est médecin de l’APHP. Il entre à Science Po Paris et prépare le concours d’entrée à l’ENA. « Je voulais entrer dans la haute fonction publique d’État, c’était la plus rapide », explique-t-il. Il intègre la promo Aristide Briand en janvier 2006.

D’aventures en découvertes

À la sortie de l’ENA, il s’occupe pendant trois ans de la tutelle de la SNCF. « Je voulais prendre des fonctions de management, des sujets à la fois stratégique et de vie quotidienne des Français, et une logique interministérielle. C’était trois années absolument passionnantes. »
Il entre ensuite au secrétariat du Club de Paris, pour la négociation de dettes internationales dont la France est créancière. 18 pays y participent et il arrive en 2011, en pleine période de crise de la dette en Europe. S’en suit trois années à Rome, à la mission économique de l’ambassade de France. « C’était merveilleux d’un point de vue professionnel, la découverte de l’économie italienne, et sur un plan personnel, la découverte de la vie à Rome, qui est délicieuse ». De retour à Paris, il s’occupe d’un bureau en charge des relations économiques et financières avec tous les pays d’Asie. Autre mission, autres enjeux : « ce sont à la fois des problématiques économiques, commerciales, de relations internationales, à une époque où l’on prend du recul sur notre stratégie avec la Chine. Ça a été un peu le fil d’Ariane de ces trois années : comment interroger notre relation économique avec la Chine pour garantir d’avoir mieux à cœur les intérêts stratégiques de la France vis-à-vis d’un pays en rattrapage fort », entre 2016 et 2019. Ce sont encore de nouvelles découvertes, « dans l’approche des relations avec l’étranger, avec l’extérieur. Ça me passionnait. Je me suis plongé dans la culture mais aussi dans la vision française de ces pays ». Il cite alors Les derniers jours de Pékin, de Pierre Loti, ouvrage qui l’a marqué.
Il reconnaît qu’il apprécie « la découverte de ces cultures, de ces façons de penser différentes, de ces traditions ». Pourtant, il met un terme aux aventures internationales en 2019. « Je décide de me pencher sur des sujets de réglementation et je m’occupe du bureau en charge des intermédiaires et des entreprises d’assurances, puis je prends la sous-direction des assurances ». Un périmètre qui n’est pas si hexagonale, et lui réserve quelques surprises. « C’est la découverte d’un secteur macro-économiquement central et important, et en même temps des sujets très concrets dans la vie quotidienne des français, avec en prime des négociations européennes. C’est encore une fois un combo très complet, avec des aspects de réglementations, des sujets interministériels, avec l’Intérieur, la Santé, l’Environnement… C’est à la fois très technique et très concret. C’est aussi ce qui m’intéressait », confie-t-il.

Vers la campagne ou la mer

Et comme Martin Landais réfléchit à tout, il précise : « Si on veut tout expliquer avec une espèce de déterminisme inconscient, j’ai découvert en prenant ce poste que j’avais un aïeul qui avait fondé une compagnie d’assurance à la fin du XIXe siècle ! Elle s’appelait Le Secours ».
Son profil de haut fonctionnaire énarque aurait pu lui ouvrir les portes des cabinets ministériels. Ce fut le cas mais « n’était pas le bon moment, professionnellement et personnellement », précise-t-il. Et d’ajouter : « J’ai toujours été dans une optique de serviteur de l’État, de l’intérêt général avant tout. Celui qui peut mettre en œuvre et appliquer l’intérêt général. Non pas que je considère qu’il y a un monopole de l’intérêt général dans la fonction publique, on s’en rend compte assez rapidement, mais ça reste un élément central », et le monde politique n’en a pas non plus le monopole.
Pour un week-end idéal, il quitte Paris pour la campagne ou le bord de mer, avec la famille et les amis, tout le monde réuni dans son collectif.
En dehors du travail, il fait « un peu de tennis, de ski, et on essaie de courir quand ça va trop mal », énumère-t-il dans un rire. Nous lui demandons s’il ne fait pas « des sports d’assureurs », comme la voile ou le golf ? « Non, mais je vais essayer de m’y mettre », s’amuse-t-il avant de se reprendre : « ne mettez pas ça, le second degré ça ne passe pas bien à l’écrit, je ne veux vexer personne ! » La seule vraie tentative de dribble de cet entretien. Bien essayé.

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