PORTRAIT :
Paul Esmein,
l'assurance match après match

PORTRAIT : Paul Esmein, l'assurance match après match
PORTRAIT : Paul Esmein, l'assurance match après match

Paul Esmein, directeur général adjoint du groupe Covéa, était l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 20 avril 2022. Voici son portrait.

Les couloirs de Covéa sont très longs et monotones à la différence d’une heure d’entretien avec Paul Esmein. Le directeur général adjoint du groupe est un homme dynamique, à la parole directe. Costume sombre et regard droit, l’homme se confie à la faveur du portrait, sans grand enthousiasme au début, avant d’entrer dans le format.
La voix peut être traînante, parfois il hésite, mais garde le contrôle, comme le sourire.

Paul Esmein est né le 16 décembre 1980 à Paris. À la différence de quelques invités également nés à Paris, le directeur général adjoint de Covéa ne se sent pas plus que ça attaché à la capitale : « Je ne me sens pas spécifiquement parisien, je ne sais pas très bien qui est parisien. Je m’y sens bien mais je me sentirais très bien ailleurs aussi. J’en vois les avantages et les inconvénients aussi. »
Il grandit à Paris et en proche banlieue, pour revenir s’installer dans la capitale pour ses études supérieures.
Avant ça, il est au collège et lycée Pasteur à Neuilly. « En primaire, ça allait très bien, au collège ça allait encore, et au lycée c’était… lié à un faible investissement personnel dans le travail scolaire », commente-t-il à la manière d’une appréciation sur son livret trimestriel. « Parce que j’avais d’autres centres d’intérêt que les études. C’était les copains, le football, les filles… et ça n’a pas tellement changé », lâche-t-il dans un rire. Les études ne le passionnent pas, mais certaines matières l’intéressent plus. « J’étais plus attiré par l’histoire et les matières littéraires que par les sciences. Je me voyais probablement plus travailler dans ces domaines. Mais j’étais doué en mathématiques. Ce sont les études que j’ai faites, donc première et bac S et une prépa scientifique ».
« Je ne sais pas bien ce que je voulais faire adolescent… et je ne sais toujours pas bien », s’amuse-t-il. « Après le bac, je me suis quand même dit que j’allais faire des études et tenter une prépa. Ce ne sont pas vraiment les années que j’ai trouvées les plus intéressantes de ma vie », annonce-t-il. Le choix d’une prépa scientifique se fait sans pression familiale et sans grande réflexion. C’est simplement la suite logique. « En réalité, en terminale je me suis dit que ne sachant pas ce que je voulais faire, je prenais le champ le plus large possible. J’étais assez bon en maths mais je n’avais aucun goût pour les sciences appliquées, les sciences de l’ingénieur ou la physique, et donc l’économie m’allait très bien. »

L’heureuse découverte de la matière éco

Bonne pioche, car tout change à l’ENSAE. « C’est à ce moment que j’ai découvert l’économie et plus précisément la macro-économie et l’histoire de la pensée économique, qui sont des matières qui m’ont beaucoup plu. Encore aujourd’hui, une partie de mes lectures est consacrée à l’économie d’un point de vue théorique et l’économie comportementale. »
Est-ce un regret d’avoir découvert l’économie un peu tardivement ? « Non, pas du tout », confie-t-il, avant de partager une réflexion sur la place des études en France. « Je suis assez détendu par rapport aux études. Je considère, encore plus depuis mon entrée dans la vie active, que l’on apprend beaucoup plus de choses sur le tas, en lisant des livres et des journaux, en expériences diverses. En France nous avons une vision en silo et finalement, seules les notes sont importantes et tout ce qui est en dehors du diplôme n’existe pas. C’est absurde. On voit bien qu’en réalité, l’expérience a beaucoup plus d’importance et qu’on apprend des choses en permanence ».
Ce que Paul Esmein confirme au cours de sa carrière, multipliant les expériences et donc les compétences.
« Après l’ENSAE, j’ai passé les concours de la fonction publique. Le corps des commissaires contrôleurs recrutait essentiellement à la sortie de Polytechnique, un peu Normale Sup’ et il y avait de temps en temps des concours externes. C’était assez rare, mais c’était possible cette année là. J’ai tenté parce que j’avais rencontré à l’ENSAE des commissaires contrôleurs qui nous avaient expliqué ce qu’ils faisaient ou plutôt ce qu’ils allaient faire. Ça me semblait intéressant et j’avais plutôt envie de travailler dans la fonction publique… »
Paul Esmein entre alors dans un nouveau monde. Le monde du travail, bien sûr, mais également la commission de contrôle. En 2004, c’est encore la Commission de contrôles des assurances, mutuelles et institutions de prévoyance. « La CCAMIP à l’époque, c’est l’ancien monde. Les locaux rue de Chateaudun étaient ultra vieillots. Quand j’y suis entré, c’était à la bonne franquette, pour le meilleur et pour le pire. Ce n’était pas assez structuré sur certains aspects, mais il faut reconnaître que ça fonctionnait. » Il y croise une certaine Florence Lustman, Secrétaire générale, et qui s’employait à faire changer la culture de la CCAMIP, et sa cheffe de brigade était Sandrine Lemery. Deux ans plus tard, la CCAMIP devient l’ACAM, et enfin l’ACP en 2011.

L’assurance plaisante

Mais l’expérience reste marquante pour le jeune homme. « Je vois les choses a posteriori, en connaissant l’entreprise et le monde professionnel. Les locaux à eux seuls donnaient cette image ancienne. Les bureaux du premier étage, avec les doubles portes capitonnées. Mais cette expérience m’a bien plu, parce que j’ai rencontré beaucoup de gens intelligents et intéressants. C’était une très bonne école pour apprendre l’assurance », affirme-t-il.
Il se souvient de quelques anecdotes : « On confie des responsabilités importantes à des gens assez jeunes, avec beaucoup d’autonomie. Les premiers contrôles qu’on fait sont assez folkloriques », rit-il avant de préciser : « Je me souviens de mon premier contrôle seul – ce qui aujourd’hui me paraît assez lunaire – alors que je n’y connaissais rien au monde de l’assurance. J’étais conscient que je n’y connaissais rien et j’espère que j’étais assez prudent sur ce que je disais ! »
Paul Esmein n’est pas du genre à tracer un plan de carrière. Il s’imagine rester à la commission de contrôle « pendant assez longtemps. Je ne me disais pas : ‘je passe 10 ans et je vais dans le privé’. Ce sont des raisonnements que je n’ai jamais eus, même encore maintenant. C’est absurde de se demander ce qu’on fera dans 30 ans. Il y a tellement de choses qu’on ne maîtrise pas, ça n’a pas de sens », ajoute-t-il, définitif.
Rester à la commission oui, mais en bougeant. Après peu de temps, il demande à s’occuper des sujets internationaux. « Je faisais pas mal de représentation de l’ACAM dans les organisations internationales, dans des institutions qui rassemblaient les autorités de contrôle internationales. J’ai aussi été en charge du suivi des modèles internes. On était bien avant Solva 2, il n’y avait pas de validation des modèles mais l’autorité commençait à se pencher sur le sujet. »
Pourquoi un engouement sur ces sujets ? « Sur la partie internationale, j’avais demandé, ça m’intéressait de voir comment les choses fonctionnaient. Et sur les modèles internes, parce que j’ai un goût sur les sujets assez techniques. » Paul Esmein dévoile un trait de son caractère. « En réalité, j’avais envie de comprendre comme ça marchait. C’est une telle boîte noire ces sujets de solvabilité. À mon sens, c’est beaucoup trop complexe. Il y a un décalage entre l’ambition démesurée et ce qui est vraiment compréhensible, à un niveau où les décisions se prennent. Cette logique de dire que si on met des chiffres on maîtrise mieux les choses… pfff… » soupire-t-il, sans finir sa phrase.

Contrôle, passe au Trésor et marque dans l’assurance

Après les années commissions, Paul Esmein entre au Trésor en 2008. Il le quitte après quatre ans « pour des raisons personnelles ». « J’ai pris une année sabbatique et nous sommes partis avec celle qui est maintenant ma femme. En revenant, je voulais voir autre chose. À la direction du Trésor, j’avais fait autre chose que de l’assurance mais mon dernier poste était chef du bureau assurances », explique-t-il.
Alors, comme le milieu lui a plu, il se dit qu’il serait peut-être temps de découvrir l’envers du décor. « L’assurance était un choix. J’ai passé beaucoup d’entretiens. Pour l’anecdote, c’est Denis Kessler, que j’étais allé voir, qui m’a suggéré d’aller chez Covéa. Il m’a dit : ‘J’ai un très bon copain qui s’appelle Thierry Derez et qui cherche toujours des gens à recruter’. Et donc voilà… » rit-il. Mais outre Thierry Derez et Covéa, il y a une proposition qui plaît au jeune fonctionnaire. « Contrairement à d’autres groupes qui me plaçaient sur des sujets réglementaires ou aux affaires publiques, Covéa me disait : ‘ça tu sais faire, on va te proposer de faire autre chose pour voir si tu sais faire autre chose’. » De fait, son premier poste dans le groupe mutualiste, est de monter l’activité d’acceptation en réassurance santé et prévoyance. « Il y avait une prise de risque côté Covéa mais surtout j’aimais bien cet état d’esprit et ça correspondait avec ce que je voulais faire : quelque chose de plus concret, de plus opérationnel ».
Allez au bout des sujets lui plaît. Comprendre le fonctionnement et les mécanismes le pousse à lire beaucoup, à s’informer. Nous lui demandons s’il applique la même méthode avec d’autres sujets, y compris sur son sport passion : le football. « Allez au fond des sujets, ça ne s’applique pas vraiment au foot, parce que moi je suis supporter du PSG et ce club est tellement loin de ce tout esprit rationnel », lance-t-il dans un rire. « Non, le foot, je vois ça comme un amateur. Quoi que le sujet des transferts dans le foot, les sous-jacents, j’aimerais comprendre », précise-t-il.

Foot et scène

Supporter du Paris Saint-Germain, Paul Esmein l’est depuis son plus jeune âge. Il se souvient de son premier match au Parc des Princes avec son père, « vers l’âge de 9 – 10 ans. C’était un PSG – Rouen, victoire 1-0 en Coupe de France. Si j’étais capable d’apprécier ce match, je pouvais supporter ce match, je pouvais supporter cette équipe », s’amuse-t-il avant de préciser : « J’ai connu de bons moments, et des désillusions aussi ! »
Au-delà du Parc des Princes, le directeur général adjoint du groupe Covéa a pratiqué le football. « J’ai beaucoup joué en club et j’en fais toujours à un niveau très amateur. Je suis au Stade Français, j’y vais parfois le dimanche. Je ne suis pas très régulier mais ça me permet de rejouer avec des gens qui ont envie de jouer aussi, à un niveau très amateur, ça me plaît bien ».
Mais qui dit Covéa, dit… rugby. C’est une découverte et un intérêt récent. « Je me suis mis à aimer le rugby. C’est un sport que je n’appréciais pas vraiment avant d’arriver chez Covéa, mais comme GMF est sponsor, je vois beaucoup de matches, et ça me plaît de plus en plus » dit-il en mentionnant qu’il était à Cardif le week-end précédent le rendez-vous. (C’était le 12 mars, avant-dernier match de la France dans le Tournoi des VI Nations, NDLR).
Question pratique, il dit en avoir fait pendant un an. Expérience suffisante selon lui. Parce que question sport, Paul Esmein préfère rester spectateur. « Quand je voyage, j’aime aller voir des matches du sport local. J’aime surtout les ambiances. Par exemple, j’étais allé voir des matches de foot australien. C’est tellement différent des sports européens, c’est très surprenant. Je suis aussi allé voir du hockey au Canada où j’avais été surpris tant l’ambiance était aseptisée : il y a une certaine violence sur la glace mais le public attend qu’on lui dise comment réagir pour le faire. Quand vous avez été habitué aux stades de football européens, c’est très bizarre, ce n’est pas comme ça que ça doit se passer », raconte-t-il.
On peut lui faire confiance sur l’art de la mise en scène : Paul Esmein est, ou a été, passionné de théâtre. « J’aime beaucoup le théâtre, j’ai été mordu pendant des années, j’y allais au moins une fois par semaine. J’en ai fait beaucoup quand j’étais étudiant et dans mes premières années professionnelles. Aujourd’hui, j’y vais beaucoup moins, parce que j’ai moins le temps et j’y prends moins de plaisir », confie-t-il.
Parce que le monde du travail a tout l’air d’une grande comédie ?

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