Contribution :
"Quand la maternité est une faute professionnelle"

Si vous souhaitez témoigner, vous pouvez le faire anonymement en cliquant sur l’image en bas de ce texte. 

Je n’ai pas le droit de parler je suis tenue par une transaction.
Je n’ai pas le droit de témoigner sur les pratiques faites sur d’autres employé(e)s je suis tenue par une transaction.
D’ailleurs, ce dernier point ne s’apparente-t-il pas une subornation de témoin ?
Non, je n’ai pas le droit de témoigner.

J’avoue être à l’initiative de cette rupture avec cette entreprise, avoir contacté un avocat pour négocier une transaction de départ.
Mais avais-je réellement le choix ?
Manager d’une importante équipe avec de hautes responsabilités, j’ai consacré mon énergie à l’accomplissement des objectifs de cette entreprise, j’ai toujours été félicitée pour mes résultats. Après tout, je suis une bonne élève, et ce jusqu’au fameux jour où j’annonce ma grossesse.

Étrangement, à partir de ce moment-là, l’appréciation de mes résultats était tout autre. Je n’étais plus digne de faire partie de la direction. Tout autour de moi s’est mis à fondre comme neige au soleil : plus d’équipe, plus de budget, plus de responsabilité, plus de bureau… Plus de compétence ? Mon incompétence semblait grandir au fur et à mesure que mon ventre s’arrondissait.
Pour ma santé mentale comme physique, je devais partir mais il était hors de question pour moi de démissionner.
Quelles sont les autres alternatives : l’inspection du travail, le défenseur des droits, les prudhommes ? Pour ces recours, il ne faut surtout pas être pressé. Il faut être prêt à rester dans l’entreprise quelques temps voire des années supplémentaires et s’attendre à subir du harcèlement en vue de nous pousser vers la faute, et/ ou vers la porte, et en sortir épuisée physiquement, mentalement, moralement.

Autant dire qu’il faut avoir les reins solides. Mais avons-nous réellement les reins solides lorsqu’on porte un enfant dans le ventre, quand les hormones nous travaillent, quand physiquement nous sommes déjà épuisées par tout ce chamboulement dans notre corps ? La maternité n’est certes pas une maladie, et on ne manque pas de nous le répéter, mais croyez-moi, on peut aussi en baver physiquement, mentalement, moralement.
La discrimination à l’encontre des femmes enceintes au travail est sans équivoque proscrite par le code du travail et par le code pénal. Pourtant tout se passe comme si elle était normale. Qui est réellement choqué en entreprise d’écarter une femme d’une évolution de rémunération, d’un recrutement ou d’une carrière parce qu’elle veut des enfants ou qu’elle est enceinte ? Même pas cette femme enceinte qui n’osera que rarement postuler à un stade de grossesse avancé, qui cachera ses vomissements, sa somnolence pendant ses 3 premiers de grossesse, qui culpabilisera de sa future absence de maternité de plusieurs semaines…

Ensuite viens l’heure du retour de congés maternité.
Réglementairement, la nouvelle mère reste protégée (non licenciable sauf si faute ou licenciement économique) pendant quelques semaines. Elle retrouve son poste, ou du moins un qui y ressemble… dans un placard ?
Ces quelques semaines de protection écoulées, que se passe -t-il ? Va -t-elle avoir l’idée de faire un autre enfant ou consacrer son temps à gérer son enfant malade ?

Finalement, réfléchissons un peu, s’il y a discrimination maternité et ce malgré la réglementation en la matière, qu’elle que soit l’issue de la condamnation, pour qui le préjudice sera -t-il le plus important ? Pour la salariée ou pour la structure ?
N’est ce pas un combat de David contre Goliath ?
À coup de procédures longues et épuisantes, être sans cesse en alerte de ne pas être condamnable pour faute conduit quasiment systématiquement la femme « coupable d’avoir enfanté » à choisir de sortir de l’entreprise,

Quand elle le négocie et se fait accompagner, elle opte pour une transaction de départ.
La transaction régie les accords financiers du départ avec la salariée et en contre partie elle abandonne toutes les charges et le recours à la justice, que cela soit au prudhomme ou au pénal. En aucun cas, elle ne constitue le document de rupture du contrat de travail.
Pour sortir, il faut démissionner ou être licencié.
J’ai eu la chance de choisir mon motif de licenciement : faute grave ou cause réelle et sérieuse.
Alors mesdames, messieurs, avoir un enfant, donner la vie constitue-t-il une faute grave ou une cause réelle et sérieuse ? Mon cœur balance devant ce choix cornélien …

Cette histoire n’est pas que la mienne. La discrimination maternité est celle la plus acceptée. Elle est entrée dans les mœurs des entreprises et ce malgré les grands discours sur l’égalité femme/homme en entreprise.
Je lisais un article sur le sujet, et malheureusement j’ai reconnu un nombre de mes consœurs brillantissimes qui ont subi la même chose.
On en parle peu entre nous. Elles ont peut-être aussi fait le choix de la transaction. Elles ont fait le choix d’être muselées aussi. Elles ont choisi de transformer cette discrimination en faute professionnelle formalisée dans une transaction cadrée et scellée…

Mais cette faute professionnelle qu’est la maternité, n’existe-t-elle que pour les femmes ?
J’échangeais avec un ami, jeune papa. Il a eu l’audace de prendre ses 14 jours de congés paternité malgré son poste important. À sa grande surprise, malgré ses résultats, cette audace lui a valu le refus de son bonus.
Finalement ne serait-ce pas la parentalité la faute professionnelle ?

Anonyme

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