PORTRAIT :
Julien Brami,
accumulation de bonnes choses
PUBLIÉ LE 26 Mai 2025
Julien Brami, directeur général d’Agrica, est l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’assurance le 10 juin 2025.
Julien Brami, directeur général d’Agrica, est l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’assurance le 10 juin 2025.
Nous retrouvons Julien Brami dans une salle de réunion des locaux historiques d’Agrica, rue de la bienfaisance. Curieux de l’exercice, il retrace son parcours avec des anecdotes, de l’humour et beaucoup de second degré.
Julien Brami est né le 5 mars 1974 à Fontenay-sous-Bois (93), mais n’y vit pas : « J’ai été parisien quasiment toute ma vie », affirme-t-il.
Il fait ses études aux lycées Buffon et Chaptal, dans l’ouest parisien, et veut un temps devenir ingénieur dans l’aéronautique. « C’était au lycée, quand on commence à se dire qu’il faut trouver un métier », s’amuse-t-il.
Le dirigeant se définit comme un élève studieux. Dans sa famille, « l’école, c’est important. Donc j’imaginais un bac réussi et une prépa après », confie-t-il.
« J’ai fait une prépa mais avec un bac… pas très réussi », rit-il. « Je devais être le seul de la prépa à ne pas avoir eu de mention ! »
L’ambition de devenir ingénieur reste, et Julien Brami s’en souvient avec un sens de l’analyse… bien à lui ! « Tout se passait raisonnablement bien, c’est-à-dire que le rapport investissement – succès était bien. Et puis l’investissement était à peu près au niveau attendu », précise-t-il dans un nouveau rire. « En spé, ça s’est probablement un peu dégradé, notamment du côté de l’investissement personnel sur la physique. Et c’est aussi ce qui va expliquer mon tournant sur l’actuariat : l’actuariat était une excellente solution quand on n’avait rien fait en physique », lâche-t-il, déclenchant de nouveaux rires autour de la table.
Actuariat lyonnais
Comme toujours, les choix sont aussi le fruit d’une rencontre. Là, c’est le professeur de maths de Chaptal qui « connaissait l’actuariat et surtout le vendait bien ».
Il part pour l’ISFA, à Lyon, où il retrouve quelques camarades parisiens. « Ce professeur plaçait toujours quelques élèves en actuariat. Quand je suis arrivé à l’ISFA, nous étions 6 de la même ancienne classe sur une promo de 30 ! »
Comme pour beaucoup de dirigeants passés par une école d’actuariat, il faut découvrir une matière. « Nous en avions une vision extrêmement limitée. L’été avant ma rentrée, mon père a appelé son courtier en lui demandant ce que c’était. Courtier qui, de mémoire, a dû lui donner le numéro d’un actuaire chez Generali et qui ne nous en a pas appris beaucoup plus ! » Nouveaux rires. « Il y avait les guides étudiants avec les fiches métiers et, pour l’actuaire, les chiffres de salaires semblaient plus ou moins absurdes parce qu’ils étaient énormes… De toute façon, à 20 ans, ça ne correspond à rien, vous n’y comprenez rien… »
Julien Brami entre à l’ISFA, à Lyon par choix. « C’est le concours que j’avais passé mais j’avais envie de quitter Paris », dit-il. « Si je n’avais pas quitté Paris, je n’aurais sans doute pas pris d’appartement. Là, c’était l’occasion. » Il ne voit pas de vraie rupture, mais une prise d’autonomie « personnelle, pas en séparation ».
À Lyon, il commence par une année en cité universitaire, « un endroit où on cherche à ne pas trop être… On était dans les années 90, c’était un bâtiment des années 60 avant sa rénovation. Le confort était très relatif. L’année suivante, nous avons pris un appartement en colocation avec des copains, dans un quartier plutôt bourgeois de Lyon ».
Revient alors la question du métier. L’ISFA précise peut-être un peu les choses ? Julien Brami fait non de la tête, et arbore un grand sourire. « À l’ISFA, on sait quels métiers on va faire, mais rétrospectivement, le lien entre les cours et le métier ensuite, est relativement ténu. La réglementation, pour ma part, j’avais des cours dessus mais tant qu’on n’est pas confronté au sujet, on n’y comprend rien. Le seul lien direct, ce sont les cours de calculs actuariels. Et à mon époque, il y avait des produits complexes… Ce que j’ai vu par la suite en étant manager, c’est qu’on apprend 80 % de son métier sur le tas. Ça vous donne une perspective un peu différente par rapport aux études », confie-t-il.
Julien Brami, comme d’autres invité·e·s avant lui, revient sur cette scolarité, ses pressions, ses attentes et la réalité de la vie professionnelle. Il prend l’exemple d’une de ses filles, en deuxième année d’école de design, qui a trouvé un stage assez facilement quand des camarades n’ont pas eu cette chance. « Je prends du recul par rapport à toutes ces difficultés qui sont vécues, qui sont réelles, et on voit, pour moi, qu’en fait la vie professionnelle et une carrière obéissent à des choses ensuite beaucoup plus simples. »
Dépassionné
Pour la vie non-professionnelle, c’est plus compliqué. « Je n’ai pas de passions dévorantes, mais je comprends que vous ayez besoin d’accroche », s’amuse-t-il.
Des sports pratiqués ? « Des quoi ? », répond-il en riant. « Je me soigne, j’essaie de faire du vélo pour venir travailler ». Sa seule proximité avec la pratique sportive est ancienne : Julien Brami suit le PSG depuis « le début des années 80, j’y allais avec mon père. Ce PSG n’avait pas la victoire facile à l’époque, chaque victoire était un exploit », s’amuse-t-il.
Sans que ce soit une passion, le dirigeant dit apprécier… la cuisine. Consommer et faire. Il en fait la genèse, dit que « c’est très lié à Lyon : quand on est étudiant, on comprend vite que si on aime manger des choses à peu près bonnes, il n’y a pas le choix. Il ne faut pas aller au restau-U, on ne peut pas aller au restaurant parce qu’on n’en a pas les moyens, donc il faut cuisiner. Moi, mon goût de la cuisine est très simple, c’est une solution pour bien manger à moindre coût quand j’étais étudiant. »
Il a des principes, notamment il « essaie de ne pas être le père de famille qui fait le dîner à Noël et aux anniversaires, qui met un bazar pas possible, qui reçoit les félicitations et qui ne fait rien le reste de l’année », explique-t-il.
Il n’a pas de plat signature mais admire les chefs capables de « faire de la super bonne cuisine avec des produits communs ». Il fait les courses et s’occupe de la cuisine du quotidien, « la plus difficile » selon lui.
Julien Brami aime aussi la photo. Il parcourt les expositions quand il a le temps, mais avoue ne pas les collectionner, et ne se définit pas non plus comme un expert. « Du coup, j’ai un peu trop d’appareils photo chez moi qui ne me sont pas vraiment nécessaires », admet-il dans un rire.
En coopé pour commencer
De façon assez habile, le directeur général du groupe Agrica fait des parallèles entre vie privée et vie pro. Ainsi, il poursuit sur ses appareils photo avec une réflexion sur l’accumulation : « J’ai fait le lien un jour avec l’entreprise. Dans notre plan stratégique, nous avons mis du ‘plus simple’, c’est-à-dire qu’il y a plus de ‘plus simple’, ‘plus proche’, ‘plus performant’. Dans notre vie personnelle, en tant qu’adulte, nous avons accumulé des conneries pendant 30 ans. Une entreprise, c’est la même chose. Et on voit à titre personnel à quel point c’est dur de jeter. Des choses dont on sait pourtant qu’on ne va jamais les réutiliser. Et le problème, c’est qu’à l’échelle d’une entreprise de 500 ou de 1 000 personnes, ça constitue la complexité. Quand nous développons quelque chose de nouveau, nous ne faisons jamais complètement l’effort de réellement décommissionner, pour employer un terme professionnel. Ce qui n’est plus totalement utile, parce que la réalité, c’est que toutes ces choses ne sont jamais binaires et qu’il y a toujours un ‘peut-être… ça peut servir’. La conséquence en entreprise, c’est que pour être simple, il faut une espèce d’effort surhumain, parce que c’est presque contre notre nature. »
De ses vies professionnelles, Julien Brami a gardé – évidemment – beaucoup de bons souvenirs. Après l’ISFA, il doit passer par la case armée. « Je n’avais qu’un seul enjeu, c’était de trouver une coopération, parce que service militaire = sport ! J’ai eu la chance de me retrouver chez Axa qui était un gros pourvoyeur de coopérations. »
Après quelques semaines à Paris, il part pour l’Italie, « Turin puis Milan. J’ai eu beaucoup de chance, c’était hyper chouette, et je peux officiellement et publiquement les remercier encore », répond-il avec sincérité. Il profite d’un cadre de vie qui lui plaît et apprend le métier comme l’italien. « Apprendre sans prendre de cours, simplement en travaillant, c’est une des expériences d’apprentissage les plus géniales que j’ai connues. »
Pas attiré par la proposition d’Axa à sa sortie de la coopération, il entre dans un cabinet de conseil avant de rejoindre CNP Assurances. D’abord à l’actuariat, puis au pilotage des filiales. Nouvelle opportunité, il saisit la chance de sortir un peu du champ de l’assurance pour faire « un petit peu le même métier » mais à la Caisse des dépôts et consignations. Il touche aux fusions-acquisitions et travaille beaucoup. « Quand le mime préféré des filles dans le jeu des mimes était ‘Papa est en conférence call’, c’est le signe qu’il y a des choix à faire dans la vie », s’amuse-t-il.
Après un passage éclair dans le conseil, il arrive chez Aviva France comme patron des activités vie en 2014. On lui propose la direction générale de l’UFF, une filiale CGP d’Aviva France où il connaît son premier poste de direction générale, qu’il quittera au rachat d’Aviva France par le groupe Aéma. Il rejoint Agrica en mars 2023 et en prend la direction générale en juillet.
Pour Julien Brami, le week-end idéal n’est évidemment pas sportif.
« C’est un peu plus qu’un week-end. Nous sommes allés à Naples en famille en avril. Nous nous sommes baladés dans la ville, nous avons super bien mangé, il faisait beau, nous avons pris le bateau pour visiter l’île d’en face… Donc un week-end idéal, c’est en famille, on mange bien, dans un endroit sympa, éventuellement en Italie et avec l’eau pas trop loin. » Pour collectionner de nouveaux bons moments.
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