PORTRAIT :
Pauline Leclerc Glorieux,
théorie et réalité humaines

PORTRAIT : Pauline Leclerc Glorieux, théorie et réalité humaines
PORTRAIT : Pauline Leclerc Glorieux, théorie et réalité humaines

Pauline Leclerc Glorieux, directrice générale de BNP Paribas Cardif, sera l’invitée du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 13 décembre 2022.
Voici son portrait.

C’est un privilège qui nous est accordé : le rendez-vous de préparation a lieu au siège historique de BNP Paribas, rue d’Antin, dans le salon des Présidents.
Sous les portraits des hommes qui ont dirigé la banque, ce sont trois femmes qui nous reçoivent, dont Pauline Leclerc Glorieux, administratrice et directrice général de BNP Paribas Cardif. Pour un portrait tout en sourires… et maîtrise.

Pauline Leclerc Glorieux est originaire du Nord de la France. Elle naît « à Tourcoing, en 1974 », sans plus de précisions. « Vous n’avez pas besoin de la date précise, je ne la donne jamais… » Il semblerait qu’elle grandit à Tourcoing et « arrive dans la région parisienne vers l’âge de 10 ans ». À l’ouest de Paris.
L’entrée en matière est ardue, mais Pauline Leclerc Glorieux ne perd jamais un franc sourire et répond rapidement aux questions. Elle prévient à cet instant de l’entretien : « je ne vous dirais pas grand chose avant mes 20 ans. Après ça ira mieux ».
Tout juste saura-t-on qu’elle a « un parcours classique de bonne élève ».
Comme le « classique » est très subjectif, elle détaille un peu. « C’est classique du bon élève qu’on envoie en terminale C car c’est un bon élève et qui fait une prépa parce que c’est un bon élève et qui trouve quand même que les maths et physiques c’est marrant ». Avant, ce n’était pas si amusant que ça les maths et la physique, reconnaît-elle, mais à partir de la prépa, c’est devenu intéressant. « Quand vous êtes en prépa, vous ne vous posez pas beaucoup de questions : vous n’avez pas le temps, les semaines sont très rythmées, vous trouvez ça drôle et vous verrez ce que ça donne. J’ai eu de la chance, ça a donné l’X », explique-t-elle en une phrase, avec un léger brin d’agacement – peut-être – pour cette question posée trois fois. Elle n’a pas encore 20 ans et nous venons d’arracher une confidence !

Embarquement et double sport

« Je n’étais pas attiré par des écoles Normales, l’enseignement et la recherche. Je me voyais plus dans le monde de l’entreprise et l’opérationnel », détaille-t-elle à la question de savoir si Polytechnique avait été l’objectif. Et ses envies professionnelles d’alors ?
« Je ne sais pas si beaucoup de monde a rêvé de devenir assureur. Si la question est pourquoi est-ce qu’à la fin je deviens assureur… » Non, la question est de savoir ce que vous vouliez faire. « Moi je voulais faire des choses intéressantes… J’avais besoin de sujets avec une très forte composante technique, avec une composante internationale et une forte composante humaine aussi. Et l’assurance m’a beaucoup plu pour ça, car on travaille sur une matière humaine. Mon parcours est très divers mais les lignes de forces sont celles-ci. »
L’un des marqueurs de l’X est le sport. Pour diverses raisons qu’un ancien X expliquerait très bien. Maintenant lancée dans le portrait, Pauline Leclerc Glorieux dévoile une particularité : « je dois être l’une des seules à avoir fait deux sports ! ». En effet, elle a choisi le golf mais elle complète avec l’escalade, et explique : « j’ai choisi golf mais on ne peut pas en faire l’hiver. J’avais négocié de suivre la section escalade en salle, c’était très bien ». Les autres membres de la section golf rejoignent des sports collectifs, mais la directrice générale de BNP Paribas Cardif avoue dans un rire qu’elle n’a « jamais été très douée avec un ballon ». Seule fille de la section golf, « parce qu’il n’y avait pas beaucoup de femmes à l’X à l’époque », elle se plaît à l’escalade qu’elle découvre alors.
L’école lui donne aussi l’occasion d’une autre première : « pendant mon service militaire, j’ai choisi la marine, parce que c’était concret. J’étais sur une frégate qui participait alors au blocus des armes de l’ex-Yougoslavie ».
Idem, à Polytechnique, « j’étais très attiré par la physique car vous faites des modèles très compliqués qui ne se traduiront jamais complètement dans la réalité. On retrouve ça dans l’actuariat : vous faites des modèles et au final les gens décident de ne pas se comporter exactement comme vous l’aviez imaginé ».
Loin d’être décevante, cette analyse porte la jeune femme dans ses études et ses choix de carrière. « Ce sujet de modéliser la réalité tout en restant très humble face au fait que de toutes les façons, je ne la modéliserais jamais, ça m’a toujours beaucoup amusé », conclut-elle avec un sourire. Dans la marine, c’est pareil, « vous pouvez prévoir toute une série de choses qui n’arrivent pas et la réalité est tout autre. »

Des Mines aux marchés

Seule femme à bord, « parce que la marine s’ouvrait tout juste », elle résume son expérience toujours avec le sourire. « C’est un milieu extrêmement cadré. C’était plus dur pour les autres que pour moi, […] mais l’adaptation a été très bien gérée par la marine nationale. C’était une expérience humainement très riche, j’ai appris à voir fonctionner un groupe… »
Elle travaille dur pour entrer dans le corps des Mines à la sortie de l’X et part dans la foulée en stage dans l’usine de fabrication de skis de Salomon, à Annecy. « Comme stage ingénieur, c’est assez sympa. J’y suis restée un an, je suis incollable en ski et j’en ai fait tous les week-ends pendant l’hiver ». Elle retrouve le lien entre théorie et pratique et l’illustre à sa manière. « C’était comme une usine de jouets, avec toujours cette application à faire fonctionner des théories dans un environnement particulier ».
Elle enchaîne avec une petite année à Francfort pour le Crédit Lyonnais. La banque sort alors de ses déboires financiers et doit se séparer de son entité allemande, pour créer une succursale. « C’était une toute petite équipe, quand je suis arrivée : il y avait plus d’ordinateurs que d’humains. C’était un stage très opérationnel, mais dans une culture très différente ». Sa première expérience dans la finance la passionne tout autant, et l’humain compte beaucoup. « À chaque fois, la solution théorique vous prend 10% d’énergie et les 90% restants sont consacrés à faire atterrir la théorie dans une réalité très différente », explique-t-elle. Cette partie là lui plaît, l’amuse même.
Après ses études, elle part trois ans en région à Lyon sur un poste de développement économique, où elle se frotte aussi au monde politique, toujours dans cette combinaison théorie / réalité.
De retour à Paris, elle entre à l’Autorité des marchés financiers (AMF qui s’appelle encore COB à l’époque). « J’avais besoin de cet aspect technique, de la salle des marchés et de la finance de marchés. J’avais choisi le corps des mines pour voir ce rôle régalien de l’État. En 2002, l’AMF avait la chance de maîtriser un peu toute la chaîne. Aller de la théorie du règlement général à l’application, c’était passionnant. Ce que vous faites va au-delà de votre travail. À l’AMF, c’était la recherche en permanence d’équilibres », décrypte-t-elle.
Elle reste huit ans au sein de l’autorité, en prenant régulièrement de nouvelles fonctions. « J’ai vu le fort développement des marchés pendant les premières années. Puis, en 2007-2008, nous sommes entrés dans une phase au cours de laquelle nous ne sommes plus le régulateur qui empêche tout le monde de travailler, mais celui vers qui tout le monde se tourne pour comprendre ce qu’il se passe et savoir quoi faire », explique Pauline Leclerc Glorieux.
La crise financière est un moment intense au cours duquel tout s’inverse. « Il s’agit alors d’essayer de comprendre la réalité et de tenter de la théoriser. » De son aveu, la plus grande difficulté est de savoir ce qu’il se passe. Elle raconte alors cette anecdote : « Madoff a arrêté un jeudi. Le vendredi, nous avons deux ‘sondes’ qui nous appellent pour nous dire qu’elles sont exposées et qu’il y en a d’autres en France… Le vendredi soir, nous avions appelé 500 sociétés de gestion et nous avions une idée de l’exposition dans le pays, ce qui nous laissait le week-end pour décider quoi faire. Vous avez beau être le régulateur, vous êtes suffisamment en confiance pour que des sociétés vous appellent… »
En 2011, elle rejoint BNP Paribas Cardif. « Parce que j’avais un ‘label’ financier, parce que les personnes avec qui je discute me disent que Cardif est une bonne boîte, et j’avais une bonne image du groupe ».

Hors boulot, Pauline Leclerc Glorieux pratique la randonnée, et « si vous voulez un truc amusant, j’essaye d’aller une fois par semaine au bureau en vélo. Les équipes me voient arriver échevelée, mais je m’y tiens ». Le siège de Cardif étant à Nanterre, c’est un trajet de banlieue ouest qui lui convient bien.
Logiquement, c’est en montagne, avec un réseau faible « uniquement pour passer un appel d’urgence », dans un coin « un peu perdu, en famille », que Pauline Leclerc Glorieux aime passer ses week-ends. Sans théorie, un peu moins d’humain, mais dans une réalité très concrète.