PORTRAIT :
Liliane Spiridon,
authenticité et humanité
PUBLIÉ LE 2 Décembre 2025
Liliane Spiridon, directrice générale d'AON France, est l'invitée du Petit déjeuner Off de La Lettre de l'Assurance le 16 décembre 2025.
Liliane Spiridon, directrice générale d’AON France, est l’invitée du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 16 décembre 2025.
Au siège d’AON France, dans le 15e arrondissement de Paris, la salle de réunion qui nous accueille permet une vue dégagée sur la Tour Eiffel éclairée par un soleil hivernal.
Liliane Spiridon est souriante et se prête au jeu du portrait avec beaucoup d’entrain. « Trop », estimera-t-elle par moment, « parce qu’il n’y a rien d’exceptionnel ». À vous d’en juger. Voici son portrait.
Liliane Spiridon est née au Liban, le 1er janvier 1969, « un beau cadeau que j’ai fait à ma mère », s’amuse-t-elle. Elle est la dernière de six enfants, la cinquième fille, et grandit dans un pays en guerre. Celle-ci commence en 1975, quand Liliane Spiridon n’est encore qu’une enfant et se terminera en 1990, après le départ de l’actuelle directrice générale d’AON France.
Pour la dirigeante, le conflit « a façonné mon caractère », confie-t-elle d’emblée. « Quand on vit toute son enfance sous les bombes, entre les abris, les sorties et autres, ça développe à la fois une résilience, une joie de vivre et une capacité à profiter de chaque moment qui passe, parce qu’on sait que la vie est fragile », ajoute-t-elle.
Loin de s’apitoyer sur son sort Liliane Spiridon explique que ces événements lui ont fait développer une capacité « à relativiser les choses ». « Il faut la garder, parce que de temps en temps on l’oublie dans nos environnements très confortables », dit-elle.
Elle grandit entre Beyrouth et un village « d’été, d’une cinquantaine d’habitants, proche de la frontière syrienne ». « Je passais l’été avec ma sœur chez ma grand-mère. On jouait avec les poules et les tracteurs et des tâches de la ferme. C’était sympa, ça forme à la nature », s’amuse-t-elle aujourd’hui.
Liliane Spiridon fait ses études au Liban, suivant les mouvements de la famille qui fuit les combats.
L’école par éducation
Elle est alors une « très bonne élève, j’ai même sauté deux classes, mais je n’ai pas de mérite », explique-t-elle tout de suite, « parce qu’à la maison, c’était très strict, presque militaire. Quand on est jeune et qu’on voit tout le monde lire et étudier, on s’ennuie vite. J’ai demandé à apprendre à lire, j’apprenais les poésies par cœur ». Elle saute le CM1, par choix, puis la 5e, par erreur. « Au gré des combats, on se déplaçait de ville en ville, en fonction des écoles ouvertes. Je sortais de 6e et ma mère m’a inscrite en 4e. Elle ne comprenait pas pourquoi mes notes baissaient, et c’est à la fin du premier trimestre, quand l’établissement a reçu mes bulletins de l’année précédente que nous avons compris ».
Adolescente, la jeune Liliane Spiridon veut devenir « médecin ou fleuriste. J’aimais bien soigner, m’occuper des autres et je trouvais la mécanique du corps humain magique ». La vie en décidera autrement. L’année de son bac, son père décède. C’est une rupture avec la médecine « j’ai considéré que je n’avais pas pu le sauver, donc ça ne servait plus à rien puisque je n’avais pas pu le sauver ». Dans un pays où les seuls métiers reconnus sont « avocat, ingénieur et architectes », elle s’oriente donc vers l’économie et passe une licence d’économie, qu’elle choisit alors parce que « j’aimais bien les mathématiques et les chiffres ». Et s’envole pour la France une fois son diplôme en poche, en 1989.
Entre Liban et France, son coeur balance
Elle suit, ou plutôt rejoint, son copain de l’époque (qui deviendra son mari) venu chercher un avenir en France. Quitter le Liban est un « arrachement, mais j’avais envie de le retrouver et lui voulait s’installer en France », poursuit Liliane Spiridon. Elle ajoute que la vie en France et à Paris lui a plu, l’autonomie qu’elle obtient dans ses déplacements, alors qu’elle n’a pas le permis de conduire. Mais Liliane Spiridon a « détesté la qualité de vie parisienne au début. On arrive, il fait froid, il fait moche, les gens ne sont pas souriants, ils sont durs entre eux. Les premières fois dans le métro, je souriais » provoquant l’incompréhension autour d’elle. Et d’autres obstacles se présentent.
Elle veut travailler dès son arrivée et s’essaie dans une banque d’affaires mais est rapidement déçue. « Ils recrutaient de très jeunes talents pour dynamiser les back office bancaires. Mon job était d’aller voir les gestionnaires de transferts de crédits, en triant tout simplement par montant plutôt que par ordre d’arrivée. J’arrive avec une belle mission, j’y croyais mais il y avait un ordinateur… » Elle va voir la RH, explique qu’elle n’a « aucune valeur ajoutée » et décide de partir. Elle y reviendra quelques temps plus tard pour un stage.
En France, sa licence vaut tout de même un DEUG mais l’oblige à reprendre des études. Échaudée par cette histoire d’ordinateur et poussée par son frère, elle entre dans le cursus en « Méthodes informatiques appliquées à la gestion » (MIAGE) à Dauphine. « J’aime bien dire que j’ai détesté l’informatique, j’ai haï l’informatique », confie-t-elle avec un grand sourire. « Donc après j’ai fait de tout sauf de l’informatique, mais j’ai tout de même touché aux métiers de l’informatique dans ma première vie professionnelle ». Celle-ci commence dans le conseil, « pour retrouver de l’humain, et réconcilier l’informatique avec les métiers ». Les années conseil, « c’était un vrai choix, c’était cool. Oui, il y a la pression, mais il y a la diversité des boîtes et des clients. On est plus exposés à la diversité des dirigeants ».
Conseil humain, informatique dédain
Surtout, Liliane Spiridon commence dans de petites structures. « C’étaient des entreprises familiales, on était 50. Le patron, c’était le ‘papa’ de la boîte. Et c’était très formateur, très humain et très concret », se remémore-t-elle avec nostalgie. La rupture vient en 2005, quand l’entreprise est vendue. « Je n’étais pas assez riche pour racheter les parts, donc je suis partie ». La suite, c’est un passage chez Accenture où elle est en mission chez Groupama… qui lui fait une proposition. « Je me suis dit, ‘après tout, pourquoi pas, ça à l’air sympa comme ambiance’ », développe-t-elle. « Mes critères étaient simples : c’était une entreprise très humaine, les gens se parlent bien, tout le monde se dit bonjour ». C’est le début dans l’assurance « par hasard, parce que j’y ai fait de belles rencontres. J’aime bien apprendre, découvrir et suivre des gens avec qui j’aime bien travailler ». Elle ajoute encore « apprentissage, et prise de risques » à ce qui la définit.
Sa vie personnelle est organisée loin de Paris. Elle nage, court et… voyage. « J’aime la nature et les fleurs », qu’elle cultive dans un grand jardin « parce que je fais tout moi-même. C’est ma thérapie ». Au Liban, elle faisait un peu de basket, « seul sport accessible. Je suis devenue sportive, avant tout pour moi. Pas pour paraître, mais parce que ça me fait du bien. » Elle apprécie aussi se fondre dans le collectif. « Quand je fais du sport en salle, je suis n’importe qui, parmi n’importe qui, et c’est très sympa de se challenger ensemble. »
Liliane Spiridon déteste parler de sa vie professionnelle en dehors du boulot. « J’aime cloisonner, je n’ai pas envie d’en parler et je n’ai pas envie d’être appréciée pour ce que j’incarne ou pour le poste. Dans ma vie familiale ou personnelle, ça ne m’apporte rien ».
Le week-end idéal de Liliane Spiridon se passe « entourée de ma famille et mes amis, dans un beau cadre, pas luxueux mais avec de beaux arbres, de belles plantes, et avec des gens authentiques. C’est ce qu’il y a de plus précieux, des moments d’authenticités. »
Un moment de pleine vie.
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