Bonus / Chronique :
Conflits entre-soi (1ère partie)

Nouvelle thématique en mai (et juin) pour notre chroniqueur Lucas FORTUIT ! Il se penche, en deux parties, sur l’entre-soi qui existe évidemment dans l’assurance. Comment le secteur ne pas être concerné, alors qu’il est une grande famille aux relations multiples…

Il va de soi que les autorités de contrôle veillent à éviter tout conflit d’intérêt dans les activités de production et de distribution d’assurance à l’instar de celles du commerce et des services marchands.
Une gageure à une époque où les liens entre les acteurs de l’économie sont multiples, planétaires et diffus. En clair, pour ce qui concerne notre profession, cela revient à considérer que les intérêts des assurés doivent primer sur ceux des preneurs de risques et de leurs partenaires, en toutes circonstances et donc, admettre qu’ils ne le sont pas toujours aux yeux attentifs des pouvoirs publics…
Les acteurs du marché affichent une unité de façade en cette matière, soulignons-le, dans le contexte vertueux de solvabilité II. Encore faudrait-il que tous les souscripteurs de contrats et leurs bénéficiaires soient traités sur un pied d’égalité ! On sait que cela n’est pas toujours le cas, pour des raisons commerciales, notamment.

Discrimination de clientèle

Dans ce domaine, les situations discriminantes ne manquent pas dans les faits, à y regarder de près, parfois au sein d’une même entité assurantielle !

Inutile de vous faire un dessin. Les professionnels ne manquent pas de consulter le CV des acteurs en matière de souscription, de tarification ou lors du règlement d’une prestation…
Ainsi, selon la branche d’assurance, le particulier-entrepreneur semble davantage favorisé que le quidam, l’actif que le retraité, le membre d’un groupement que l’assuré solo, le trust que la PME…
Sans ignorer que le nouveau client ou le nouvel adhérent, arraché à la concurrence, prime sur le client fidèle ou dormant en portefeuille (occurrence dénoncée en novembre 2018 par l’organisme de contrôle des services financiers britannique en matière d’assurance automobile et en assurance habitation mais qui existe aussi dans notre Hexagone), que le non-sinistré est préféré au récidiviste ou au malchanceux, que le primo-épargnant est plus intéressé que le titulaire d’un produit qui n’est plus commercialisé…
Inutile de consulter son avis d’échéance ou son relevé de situation annuel pour s’en convaincre, même si les assureurs savent que les mauvais risques chassent les bons et que les rendements médiocres incitent à changer de crèmerie.

Le grossiste mieux choyé que l’apporteur individuel

Inutile de vous faire un plan. Les distributeurs savent qu’ils ne sont pas traités de la même façon selon le volume d’affaires apporté, leur fidélité, leur sinistralité, leur lieu d’exercice, etc.
Encore faudrait-il que les intermédiaires soient également administrés sur le même modèle distributif !
Le grossiste est, sans doute, mieux choyé que l’apporteur individuel, d’où leur réussite et leur développement, le cabinet du top 20 davantage que le courtier en bout de peloton, le courtier captif davantage que l’intermédiaire indépendant.
Inutile de cliquer. L’inégalité de traitement peut résulter de dysfonctionnements intra-entreprises ou techniques quand la technologie s’avère défaillante. Ainsi, certains courriels envoyés à l’assureur ne reçoivent jamais de réponse, même accusés de réception par ce dernier, égarés sans doute dans un labyrinthique cloud ou dans une corbeille spamique… sans que l’opérateur concerné sache exactement pourquoi et de quoi il retourne ! Dans ce cas, le reclic, s’avère parfois illusoire, voire sans lendemain… Essayez, vous verrez !
De même, les postulants à la retraite ne sont pas traités à la même enseigne selon la disponibilité et la célérité de leur caisse pour finaliser leur dossier de pension.

Comme on peut le voir, les occurrences de conflit, ici à peine effleurées, ne manquent pas dans notre métier…
Sans oublier le cas d’un sinistre mettant en cause deux assurés d’une même compagnie ou d’un même groupe de sociétés. Il va de soi que la probabilité d’une telle occurrence augmente avec la taille de l’acteur (et au gré des fusions-acquisitions ou des partenariats). Les groupes capitalistiques ou les sociétés de groupe d’assurance mutuelle, peuvent être tentés de ménager les chèvres d’une filiale au détriment des choux d’une autre, lorsqu’elles garantissent les mêmes risques par des canaux de distribution différents.
L’assurance non-vie n’est pas épargnée par le phénomène, les divergences pouvant naître, par exemple, à l’occasion d’un sinistre impliquant des clients ayant des intérêts opposés, de la manière d’appliquer les conditions générales dans les différents canaux de distribution, du système de rétribution des intermédiaires pour les différents produits de la gamme commercialisée.

La suite est à découvrir le 3 juin

Lucas FORTUIT

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