Bonus / Chronique :
Conflits entre-soi (2nde partie)

Dans la continuité de sa chronique du mois de mai (à lire ici), Lucas FORTUIT poursuit son analyse de quelques travers du secteur de l’assurance. L’entre-soi, source de conflits ? C’est à lire ici !

Ce disant, toute confusion de genre, tout non-dit, tout non-écrit, tout manquement à la transparence, toute discrimination avérée dans le traitement d’assurés soumis aux mêmes risques, devient source potentielle de critique ou de réajustements de la part des autorités de contrôle ; de progrès, diront les optimistes.

La volonté des pouvoir publics d’abolir les conflits d’intérêt, réels ou virtuels, est une révolution qui se profile dans les relations clients-assureurs et au sein du modèle économique des systèmes assurantiels, réassurance comprise. Il en a été question, par exemple, lorsque l’ACPR a pointé des risques de conflits d’intérêts pour les banques et les assureurs distributeurs d’assurance-vie en unités de comptes et les producteurs de fonds éligibles à ce contrat. Dans ce cas d’école, c’est le souscripteur qui assume, in fine, le risque de son capital investi, parfois à son insu, sans paravent ni effet de cliquet, le gestionnaire incontournable se nourrissant au passage des frais de transaction…

C’est sans doute dans le binôme assureur-bancassureur que les risques de conflit horizontaux sont les plus perceptibles. Lorsqu’un client, particulier ou entrepreneur, se trouve face à un interlocuteur transversal portant simultanément plusieurs casquettes : banquier, assureur, financeur, investisseur, gestionnaire de patrimoine, assisteur, agent immobilier, syndic de copropriété, télésurveilleur, etc., il lui est difficile, voire impossible, d’exercer pleinement son libre choix de consommateur-roi… C’est le cas de figure classique aujourd’hui, par exemple, d’un titulaire de compte bancaire, acquéreur d’un bien immobilier ou industriel acheté à crédit via un agent immobilier captif,…

Pour terminer ce catalogue de discriminations potentielles ou probables, on ne saurait taire l’existence de conflits collatéraux pouvant résulter de luttes internes entre actionnaires d’une même société, d’une part et/ou au sein de leur management, d’autre part. Ces combats intestins, souvent masqués, voire larvés, n’engendrent pas directement d’atteinte aux droits des assurés ou des adhérents, mais, peuvent être source de litiges futurs en termes de qualité de service, de prestation servie ou de couverture assurantielle. Deux exemples d’actualité me viennent à l’esprit.

Cas d’espèces

Tout d’abord, récemment, un risque potentiel de conflit de nature capitalistique, est apparu lorsqu’un actionnaire minoritaire entend acquérir l’entité qu’il partage socialement avec d’autres acteurs de la place. Une pratique courante dans le monde industriel et commercial, me semble-t-il. On met un doigt dans le gâteau acquis en commun pour le goûter avant de chercher à le dévorer entièrement, seul ou à plusieurs. C’est de bonne guerre ! De quoi faire réfléchir les dirigeants de sociétés qui ont un ou plusieurs associés boulimiques ou faux-dormants dans leur capital !

Ensuite, soulignons les risques de modifications de l’offre assurantielle qui peuvent naître à l’issue de la concentration de notre secteur. La diminution drastique du nombre de preneurs de risques peut engendrer des discriminations insoupçonnées lors du mariage sommital d’entités de familles différentes…
En passant, remarquons, par ailleurs qu’en matière de concentration, les cinq premiers réassureurs mondiaux collectent près de 50% des primes du total encaissé par le top 50 des réassureurs mondiaux (en 2016) !

Modèle centrales d’achats ?

Cette évolution assurancivore est crainte par nombre de mutuelles, même les plus solvables et les plus dynamiques. Comme le sous-entendait, récemment, un président de l’une d’entre elles, lucide, mais impuissant, via l’éditorial de son magazine trimestriel : maintenir la pérennité de ma structure est devenu ma préoccupation essentielle… avoue-t-il sans fioritures et sans prendre de gants !
Cet confidence réaliste d’un dirigeant de la place risque-t-il de reléguer aux oubliettes les items militants de la campagne de communication de la Mutualité Française « Votre ‘mutuelle’ est-elle vraiment une mutuelle » ? À voir.

Rien de comparable, cependant, avec la concentration qui s’est opérée dans la grande distribution qui ne compte plus qu’une poignée de centrales d’achat et qui a pour effet de banaliser l’offre, de contraindre les fournisseurs et leurs intermédiaires et in fine, de réduire drastiquement le choix des consommateurs.
Dans ce contexte, il n’est pas impossible de voir, un jour, un major du secteur assurantiel se diversifier en offrant des services de transport, d’énergie ou de télécommunications, aux particuliers et aux entreprises de son portefeuille, éventuellement en partenariat avec un des géants du Web.
On peut craindre, alors, que le consommateur-assuré ou le consommateur-adhérent ne soit confronté à une palette de risques de conflits d’intérêt plus large, résultant des pressions exercées par des fournisseurs et leurs partenaires… étrangers à la profession.
Mais, cela est une autre histoire que les autorités de contrôle n’ont pas encore écrite, à ma connaissance.

Lucas FORTUIT

Lire la première partie de cette chronique.

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