Bonus / Chronique :
Se soumettre ou se démettre ? (3ème partie)

Finissons en novembre la liste des bons conseils avant une intégration/acquisition.
Les deux parties précédentes ont été publiées en septembre et en octobre.
Voici l’épilogue par Lucas FORTUIT !

Les trois dernières observations relatives aux coulisses mouvementées des fusions-acquisitions concernent plus particulièrement les comportements des acteurs en lice.

8° Evitez d’être montré du doigt comme un dresseur d’obstacles ou un éleveur de barricades.
Rien de plus coercitif que de se voir accusé, à tort ou à raison, de bloquer la marche en avant du nouveau navire. Tout d’abord, sachez qu’un raider aura tout le loisir de masquer les inévitables entraves, réelles ou imaginaires, initiées par les rachetés la veille de la fusion pour justifier son comportement malthusien.
Et, il ne manquera point de désigner les rebelles peu enclins à se plier comme un seul homme aux exigences du vaisseau amiral dont ils dénonceront les pratiques obsolètes, voire archaïques, pour se consoler du glorieux temps passé… Sans compter les témoins de complaisance et les allusionnistes qui affirmeront vous avoir entendu les dénoncer dans un couloir ou dans un ascenseur, un soir propice aux confidences ou aux bons souvenirs d’antan. Fariboles qu’on ne manquera pas de vous ressortir littéralement, si nécessaire, attestation(s) en mains, un jour ou l’autre à l’occasion d’un entretien que je qualifierais de non recommandable…
Le bloqueur, devenu le pestiféré de service, sera rendu responsable de tous les maux consécutifs à un rapprochement mal ficelé, conduit à la hâte ou à la hussarde. Sachez qu’on n’aime pas les galeux ou ceux désignés comme tels, accusés de freiner un rapprochement stratégique ou plus prosaïquement, un processus, une réforme, une prise de décision…
Néanmoins, si vous êtes un pro du blocage de tricot, évitez d’avoir maille avec vos anciens collègues plus malléables et enclins à se soumettre, de gré ou de force. C’est le meilleur moyen de se les mettre également à dos à moins que vous n’envisagiez de vous démettre à terme…

9° Restez à votre place de racheté…
Ensuite, si vous êtes contraint de vous soumettre à leur instar, veillez à ne pas vous glorifier de votre expertise passée à tout bout de couloir ou à revendiquer un succès marquant de votre parcours professionnel, prétexte à humilier les équipes de l’acheteur et à résister mordicus aux nécessaires compromis proposés éventuellement par ces derniers. Ce faisant, vous ne ferez qu’exacerber leur hâte à se débarrasser de l’importun que vous allez devenir ou êtes devenu, malgré votre bonne foi, vos qualités humaines et professionnelles, votre aptitude au changement ou votre enthousiasme entrepreneurial. Veillez à ne pas confondre agilité et agitation…
S’ils ne savent plus sur quel pied danser en votre compagnie, prenez les devants et montrez-vous proactif, notamment dans le cas où, reconnaissant la supériorité de votre système ou de votre modèle sur celui de votre acheteur, celui-ci se voit contraint de mettre le sien au rancart pour s’initier et s’adapter au vôtre, plus performant ou plus rentable… Les situations conflictuelles sont légion dans ce cas d’espèce. Pour n’en citer qu’une, je pense à celle qu’engendre une opposition de vues tactiques concernant la démarche vertueuse de la gestion de la relation client, notamment si l’une des entreprises concernée n’est pas orientée client et n’a aucune intention de changer de cap !

10° Affûtez votre plan B, B comme bon vent.
Enfin, en désespoir de cause, si votre ego veut s’épargner les affres d’un mariage forcé entre la carpe et le lapin et si vous n’avez pas l’esprit suiveur mais plutôt frondeur, sautez à pieds joints dans votre radeau et ramez droit devant jusqu’à rencontrer une coquille de noix qui sera heureuse de vous accueillir à son bord, cette fois… Les adeptes du « Mercato assurantiel » se reconnaîtront, sans doute dans cette posture nautique. De là à penser que l’espérance de vie des managers dans les entreprises est appelée à s’écourter à l’instar de celle des sportifs dans leurs clubs de passage. Une façon d’économiser les médailles du travail et le budget consacré à leur remise, me direz-vous…

Pour conclure ce décalogue fusionnel, il faut reconnaître que vouloir rapprocher ce qui a été chèrement acquis par chaque acteur en lice est un chemin de croix ardu, long et semé d’épines. Pour s’en assurer, il suffit d’échanger avec ceux qui sont restés à bord et avec ceux qui se sont démis et parfois embauchés dans des entités qui viennent de convoler, à leur tour…
Les DRH, quant à eux, censés avoir une place centrale en amont et en aval de la fusion, sont souvent mis devant le fait accompli et ils ne vous seront pas d’un grand secours pour vous épargner une ou plusieurs des multiples petites misères évoquées dans cette chronique nuptiale. Lorsque le responsable des relations humaines de l’absorbé en est victime à son tour, le pire est souvent à venir pour ses anciens collègues. Dites-vous alors que cela ne va aucunement faciliter la gestion de la relation fusionné ou celle de l’acquis…
Mais, même dans cette occurrence stressante, toutes les causes ne sont pas perdues, si vous sollicitiez sainte Rita avec effusion pour éclairer davantage votre lanterne en cas de grabuge.
Pour acquis sans confusion.

Lucas FORTUIT

La première partie est ici.

La deuxième partie est là.

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