Contribution :
Et nous, sommes-nous en guerre ?

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Voici une contribution, anonymisée par son auteur, qui porte un point de vue critique de la gestion actuelle de la crise du Covid-19.
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« Nous sommes en guerre », a déclaré le président de la République. Ce « nous » comprend-il les mutuelles, entreprises d’assurances et institutions de prévoyance ?

Dans la guerre au Covid-19, il manque aujourd’hui des soldats sur le champ de bataille : ceux de l’assurance maladie complémentaire. Certes, les fantassins du livre 3 du code de la mutualité sont mobilisés dans les services de soins et d’accompagnement mutualistes. Sans doute la plupart des salariés sont-ils en télétravail. Toutefois, ni les artilleurs de la FNMF, ni les cavaliers de la FFA, ni les transmetteurs du Ctip, ni le train des équipages de la Fnim ne sont engagés en première ligne sur quelque théâtre d’opération que ce soit.

C’est la grande armée de la Cnam, l’alliée hégémonique, qui a mené seule ou avec les ARS, en tout cas à 100%, la plupart des offensives : auprès des malades, des personnes contacts, des familles qui ont dû garder leurs enfants à la maison, des travailleurs qui ont été obligés de s’arrêter, comme des professionnels de santé libéraux dont l’activité s’est réduite. Dans bien des cas, provisoirement c’en est fini du ticket modérateur.
L’assurance maladie complémentaire n’a pas souhaité participer à l’effort de guerre et financer une partie des compensations servies aux médecins, chirurgiens-dentistes ou masseurs-kinésithérapeutes dont les cabinets s’étaient dépeuplés. La Cnam se dote aujourd’hui d’une nouvelle arme, le « contact tracing ». Mais là encore il n’est pas prévu que les troupes des mutuelles délégataires du régime obligatoire en disposent.

À ce stade, l’assurance maladie complémentaire pourrait presque passer pour un profiteur de guerre. Il est vrai que les cotisations, notamment pour les contrats collectifs, rentrent plus difficilement. Il n’est pas faux non plus que l’impact sur les contrats dépendance est, à ce jour, encore très incertain. Toutefois, des économies substantielles sont déjà enregistrées sur la médecine de ville, sur l’optique et le dentaire. Sans doute les dépenses d’optique feront-elles l’objet d’un rattrapage au second semestre 2020. S’agissant des soins et prothèses dentaires en revanche, tel ne sera pas le cas : les nouvelles procédures de sécurité sanitaire, en particulier de nettoyage des cabinets dentaires, vont limiter considérablement le nombre patients traités en une journée. Loin du front, l’assurance maladie complémentaire est peut-être en train d’amasser un véritable trésor de guerre.

Sera-t-elle contrainte, à l’issue des hostilités, à financer des dommages de guerre, dans le cadre d’une taxe versée à l’assurance maladie obligatoire ?
Le général-président de la FNMF en a fait la proposition publiquement. Le problème est que le calendrier du PLFSS, fin septembre, sera plus précoce que l’estimation du risque effectivement supporté par l’assurance maladie complémentaire, courant novembre.

Faute de stratégie, l’assurance maladie complémentaire pourrait s’inspirer d’une tactique, celle des assurances automobiles : le remboursement d’une partie des cotisations aux adhérents et assurés. Cette mesure serait populaire, mais présente un danger : montrer, une nouvelle fois dans cette crise, que les organismes complémentaires d’assurance maladie n’ont servi à rien.

À défaut de cette arme de destruction massive qui rendrait sans objet le vote d’une taxe par le Parlement, il reste bien sûr des armes plus conventionnelles comme le remboursement de masques et de gel hydroalcoolique dans la limite d’un forfait. Etonnamment, la générale-présidente de la FFA a exclu très tôt cette hypothèse.

« La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens« , écrivait Clausewitz. Par quelle politique l’assurance maladie complémentaire compte-t-elle, sinon continuer la guerre et participer à la victoire, du moins ne pas perdre la paix ? À ce jour, la question reste ouverte. Mais attention : dès cet été, elle va se refermer.

Paul BARRUEL
Soldat perdu de l’assurance maladie complémentaire

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