PORTRAIT :
Jacques de Peretti suit l'Axa corse

Jacques de Peretti, PDG d’Axa France, est l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance, le 20 novembre.

L’automne est bien installé sur la région parisienne et la première vague de froid de cette fin octobre glace les passants devant Les Terrasses, le siège d’Axa France. Au loin, les nuages semblent vouloir avaler la Grande Arche de la Défense.
Après avoir traversé les plateaux d’Axa France, nous entrons dans le seul bureau encore en vigueur, celui du PDG. « Ils m’ont dit que c’était obligatoire, question de sécurité », explique Jacques de Peretti, qui semble regretter de ne pas avoir lui aussi pu travailler en « bureaux agiles », le flex office made in Axa.
Avenant, déroutant parfois, le patron d’Axa France manie l’autodérision et le bon mot avec une agilité qui ne doit rien aux travaux des RH. Il n’est manifestement pas impressionné par l’exercice du portrait, dans lequel il semble plonger avec bonheur et méticulosité, ajoutant ça et là des anecdotes et beaucoup de sourire. Par exemple, après dix minutes de monologue sur son enfance et sa carrière, Jacques de Peretti s’arrêtera avec cette phrase : « je vous raconte ma vie, comme ça c’est vite fait, vous n’aurez plus de questions à poser ». Il en restera quelques unes et notre interlocuteur y répond avec la même agilité.

Jacques de Peretti est né le 7 décembre 1960, à Marseille, « qui est la plus grande ville corse au monde, de père et de mère corses, et de père et de mère médecins ».
Le tableau est posé et le léger accent justifié. Élève, Jacques de Peretti effectue sa scolarité chez les dominicains, à l’école Lacordaire, jusqu’au bac.
À cet instant, Jacques de Peretti sort du schéma traditionnel et familial. Fils de médecins, comme il l’évoque dès les premiers instants du portrait, l’actuel PDG d’Axa France est issu d’une famille de médecins au sens large, son frère, ses cousins germains, ses grands-parents sont médecins à Marseille ! « Mes parents voulaient que je fasse médecine », ajoute-t-il, « mais je trouvais que les études de médecine étaient trop compliquées ».
Il a alors, sous les yeux, l’exemple de son frère qui présente l’internat et « travaille nuit et jour. Moi je ne voulais pas faire ça », affirme-t-il catégorique.
« J’ai donc fait quelque chose de plus simple : Math sup – Math spé », lâche-t-il avec un sourire.
Etait-ce vraiment plus simple ? « Oui, ça n’a duré que deux ans puisque j’ai intégré l’X au premier tour ! »

Travailler, c’est trop dur…

Méthodique et avec une franchise naturelle, Jacques de Peretti explique alors « avoir fait beaucoup d’études, pour repousser mon entrée sur le marché du travail le plus loin possible, comme tout Corse » lance-t-il, aussi fier de son bon mot que de l’effet qu’il provoque.
Après Polytechnique, « je suis parti à Toulouse pour faire SupAéro, parce que j’aimais beaucoup les avions. Et comme à 22 ans je trouvais que la vie d’ingénieur était un peu limitée, j’ai fait Sciences Po Toulouse, en même temps ».
Pour quelqu’un qui revendique de ne pas vouloir travailler, il cumule les semaines de cours comme divers emplois.
A 24 ans, porté par « le rêve américain », il décide de faire Stanford et « un master en ‘computer science’ avant de rentrer en France ».
Sans qu’aucune question ne lui ait encore été posée, Jacques de Peretti prend une pause et calcule à voix haute : « Ça fait 8 ans et demi d’études, c’est presque autant que pour un spécialiste ! »
Et il continue sur sa carrière : « Ensuite je suis rentré dans l’administration, parce qu’un bon Corse va dans l’administration. J’avais une bonne pression de mes parents. Ils me rêvaient médecin, comme je ne le voulais pas, ils m’ont rêvé fonctionnaire ».

Parcours administratif

Jacques de Peretti manie l’autodérision de façon déroutante, et ne laisse presque pas de place aux questions. Il reprend immédiatement le fil de l’entretien et donc, de la carrière.
« J’ai fait deux ans à la délégation de l’armement. J’étais ingénieur de l’armement. Je suis rentré 22e et sorti 102e, je commençais à décliner », rit-il franchement.
Il enchaîne deux ans à l’énergie, où il travaille sur l’effet de serre et la pollution.
Après quatre ans d’administration, il se marie. Oui, Jacques de Peretti lie les deux événements avec cette phrase : « Je me suis marié et là je me suis dit que l’administration n’allait pas suffire », et il sourit encore franchement. « Vivre seul, vous n’avez pas de besoin. Avec une famille, c’est autre chose… Et là, je rentre à l’UAP ». Il s’arrête sur la transition administration – UAP, car il tient à expliquer son « schéma ».
« J’étais en charge d’une micro responsabilité dans un macro domaine, j’étais le porte serviette de quelque chose de plus grand. Je voulais renverser pour devenir macro responsable d’un micro domaine », détaille-t-il en toute franchise.

De l’UAP, puis AXA

Il poursuit : « Je suis allé voir beaucoup d’entreprises en leur disant ‘donnez moi une direction, un service à diriger, et je m’occuperais de tout’ »
L’UAP, en quête de jeunes « pour remplacer les ‘barons’ dans les régions » le prend comme directeur régional. Jacques de Peretti, ravi, fait trois régions et croise Axa sur son chemin, en 1996.
En 2000, retour sur Paris, où Claude Tendil monte un groupe de 30 consultants et 30 personnes venant d’Axa. « On m’avait appelé en me disant : ‘on a besoin d’un garçon qui a la tête dans les nuages et les pieds dans la boue‘ ! On était en haut de la tour UAP, on refaisait le monde et puis en septembre 2001 les tours (du World Trade Center) sont tombées et tout le monde se fait débarquer. »
L’aventure Axa n’est bien sûr pas terminée et Jacques de Peretti voit arriver un nouveau directeur général, François Pierson, qui veut lui confier Axa Courtage. « Je lui explique que je n’avais fait que du risque de particulier avec les agents ! Il me réponds alors : ‘tout ceux qui y connaissaient quelque chose se sont plantés, tu ne peux pas faire pire ! »
S’ensuivent la montée dans la hiérarchie d’Axa, le départ pour le Japon puis le retour chez Axa France à la faveur de l’arrivée de Thomas Buberl à la tête du groupe.

De la Corse au Cap Ferret

La parenthèse Polytechnique a été abordée bien rapidement, et donne lieu à quelques précisions. Arriver à Paris pour retourner à Toulouse, faut-il imaginer que le sud manquait à Jacques de Peretti ? « Je suis monté sur la région parisienne en même temps qu’un copain qui entrait à Normale Sup. Alors le soir après les cours, je quittais Palaiseau pour le Quartier Latin, autour de Normale Sup’. C’était devenu mon QG… Je détestais le campus de Polytechnique, dont je me souviens du vaste parking, plongé dans la brume. Le corps professoral était exceptionnel, et j’ai rencontré quelques copains ».
À l’X, il fait du judo, pendant un an, avant de se fracturer deux cervicales et passe ensuite en athlétisme et perd ses copains de chambrée, ce qui l’emmène plus souvent encore dans le Quartier Latin. « J’ai découvert Paris, j’avais 19 ans ». L’âge idéal pour découvrir Paris.
« Je suis sudiste, soyons clair, donc j’ai repoussé ma montée à Paris autant que faire ce peu ».
Et la Corse dans tout ça ? « C’est de pire en pire », annonce-t-il, sous entendant« de plus en plus ». Et sans se faire prier, il explique.
« Enfant, je passais mes deux mois de vacances en Corse : un mois chez mes grands-parents maternels dans le nord et un mois chez mes grands-parents paternels dans le sud », explique-t-il. « Mais une fois marié, ma femme étant du Cap Ferret nous n’y allions plus qu’une année sur deux, pendant trois semaines. Ca a été ma ration pendant des années ! Depuis, j’ai acheté une maison et mes parents se sont retirés en Corse récemment. Je leur ai promis d’aller les voir régulièrement, ce que j’essais de faire. »
Jacques de Peretti aime la Corse, où « il est heureux ». « La Corse est une montagne dans la mer. Vous avez le choix, selon les saisons, d’aller à la montagne ou à la mer. La montagne, ce sont les cafés, les marches, la gastronomie et la chasse. Moi je chasse très peu, donc je marche beaucoup. Ma femme et mes enfants préfèrent la mer. Donc ma maison est en bord de mer. J’adore la pêche et le bateau. Il y a très peu de poissons en Corse, mais on fait du bateau », s’amuse-t-il. « Je pêche beaucoup mieux au Cap Ferret ! »
Jacques de Peretti partage SA Corse, avec ses amis et… des agents généraux. « Certains sont des amis, je les ai emmené marcher pendant deux jours en montagne ».

Il a tiré un trait sur Marseille depuis que ses parents n’y sont plus. « Mes amis d’enfance sont à Paris, je n’ai plus de raison d’y aller ».
La question rituelle, de savoir quel est le week-end idéal, a déjà trouvé sa réponse. « C’est un week-end dans lequel on sort de la ville. Bon, le week-end dernier j’ai fait une exposition très bien sur Paris, mais d’habitude, ça ne me plaît pas du tout, ça m’ennuie ! Le rêve est un week-end de septembre avec une mer plate, un soleil fort, on fait deux heures de bateau et on trouve un banc de poissons sautant hors de l’eau… » Il s’arrête et sort son téléphone, tourne autour de la table de réunion et vient nous montrer les photos de mer, de bateau et de soleil.
Avec un ensemble de simplicité, de plénitude et de passions qui vous emmène bien loin des Terrasses de Nanterre.

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