PORTRAIT :
Jacques Richier,
l'appel de la montagne

Après un premier passage en 2016, le PDG d’Allianz France est de retour, ce 27 octobre, au Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance. Les dernières places sont à réserver ici !

Jacques Richier nous reçoit dans son bureau, au siège d’Allianz, encore situé rue Richelieu, à Paris. Le déménagement à La Défense est prévu pour février 2016. Nous avons donc la chance de le rencontrer dans cette pièce spacieuse, décorée avec des cadeaux que des agents généraux lui ont rapportés de contrées lointaines.
Des statues de guerriers de Xian ici, un tableau brésilien aux couleurs vives là. Sur une chaise, on remarque le maillot de rugby du Stade Niçois, une des nombreuses équipes qu’Allianz sponsorise. Petit et trapu, Jacques Richier porte un costume chocolat et une chemise blanche. Il récite les résultats très positifs d’Allianz France, en fixant du regard le sommet d’une pyramide de Ferrero Rocher posée sur la table. Ses lunettes carrées au motif boisé lui donnent un air moderne et décontracté.

Enfance sportive sous les cocotiers

Le PDG d’Allianz France naît il y a 60 ans au Maroc, où son père participe à la construction du pont de Casablanca. Il grandit à l’étranger, au gré des destinations professionnelles de son père : Congo, Algérie et Tahiti, où il passe son bac. « C’est beaucoup plus dur de passer son bac à Tahiti qu’à Montbéliard ! », rigole-t-il, lui qui était plus attiré par la vie en plein air que par les études. Champion de Polynésie de 4x100m et de tir à l’arc, Jacques Richier tire profit de cette réussite. « Grâce à ces victoires, j’ai gagné le droit d’être embrassé par Miss Tahiti ! » Nouveaux rires. « Quand je l’ai connue, elle avait 14 ans et moi, 12. Son père était prof de guitare et j’ai appris la guitare juste parce qu’elle était là ». Rires, encore.
Poussé par sa mère, Jacques Richier s’accroche à ses études. « J’ai toujours écouté ma mère. Je ne voulais pas lui faire de la peine. Elle m’a dit : ‘tu ne fumeras pas’, et je n’ai pas fumé ; ‘tu ne boiras pas’, et je n’ai pas bu ; ‘tu feras des études’, et j’ai fait des efforts ». Lorsqu’on lui demande si ses propres enfants sont aussi obéissants, il répond que c’est lui qui les écoute… Éclat de rire.

Des racines bien présentes

Pendant son enfance, il passe les étés à Valdeblore, petit village des Alpes-Maritimes (06), dont il est conseiller municipal depuis 1989. « C’est mon histoire, ce sont mes racines. Je sais tracer l’origine du côté de mon père depuis 1670 », souligne-t-il fièrement. Il se lève pour prendre une feuille volante qui traîne sur une table pour nous montrer une photo aérienne d’un hameau d’une dizaine de maisons, perché en haut d’une montage verdoyante : « C’est dans le parc du Mercantour. Ça, c’est l’origine de la famille ». Il reconnaît y aller souvent pour faire du ski, de la randonnée ou aller chercher de la camomille. Son attachement à ce berceau, il a su le transmettre à ses enfants. Il y réunit la famille tous les ans au 15 août et à Noël. « Quand vous avez des racines, c’est plus simple de se projeter. Je suis à l’aise partout parce que je sais d’où je viens », affirme-t-il.

La carrière de Jacques Richier était loin d’être tracée dès son enfance. « Je me suis construit contre une injustice, parce que tout le monde n’a pas la même chance, parce que si vos parents n’ont pas fait des études, ils ne peuvent pas vous aider à la maison, parce que c’est toujours les mêmes auxquels on fait appel, parce qu’il y a des réseaux…  Ça a duré longtemps, je suis apaisé depuis une dizaine d’années. Mes enfants c’est exactement l’inverse : ils bénéficient de qui je suis et de ce que je connais. Je leur explique qu’il faut retourner aux racines parce que c’est de là qu’ils viennent, que nous venons tous. C’est uniquement ce qu’ils feront qui fera d’eux des gens respectables », fustige-t-il. Des mots qui ne tombent pas dans l’oreille d’un sourd, alors que sa fille cadette souhaite faire de la politique.

Des études dans la contrainte

Jacques Richier s’installe en France à 18 ans pour poursuivre ses études en physique des matériaux à l’INSA de Lyon (Institut national des sciences appliquées). Des années « pénibles », pendant lesquelles il envisage de repartir à l’étranger. Dans le cadre de ses études, il passe une année aux États-Unis, au Laboratoire Lawrence à l’Université de Berkeley en Californie, puis il revient en France pour effectuer un MBA à HEC en 1984.
Jacques Richier débute sa carrière chez un repreneur d’entreprises en difficulté dans le secteur de la serrurerie, mais l’expérience ne dure pas longtemps : « Quand le patron a refusé que je devienne associé, j’ai quitté l’entreprise ». Motivé par l’envie de devenir expatrié, il poursuit sa carrière dans le secteur pétrolier, à Rouen. Mais quand l’opportunité de partir en Alaska se présente, le statut d’« emploi local » ne le convainc pas.

Il atterrit dans le secteur de l’assurance par hasard, en 1985, « avec l’idée de repartir le plus vite possible. Je n’avais pas envie de rester en France, car elle me paraissait un peu étroite d’esprit, mais j’ai dû m’y habituer ». Rires. Aujourd’hui, le PDG d’Allianz s’expatrie sur sa montagne, son refuge, lorsqu’il a envie de prendre l’air et de fuir la cohue parisienne. « Quand vous êtes là-haut, c’est comme si vous étiez sur une île déserte. Le téléphone passe à peine, il n’y a pas d’électricité… », précise-t-il.

L’assurance vous colle à la peau

Il arrive donc à 30 ans chez le mutualiste AZUR, où il exerce diverses responsabilités en audit, puis dans le domaine de l’informatique, de l’organisation et des systèmes de gestion avant de devenir directeur général en 1997, puis président directeur général en 1998. Le chasseur de têtes qui le recrute recherche des gens au profil atypique pour renouveler le secteur de l’assurance. « Je suis resté parce que j’ai beaucoup changé de poste et je n’avais pas le temps de me poser des questions », explique-t-il. Le jour où il essaie de se reconvertir vers le secteur des services, on lui dit que c’est trop tard. L’assurance lui colle à la peau comme une fatalité.

Le rapprochement d’AZUR avec GMF le pousse à partir en 2000 chez Swiss Life France en tant que directeur général, puis président du Groupe en France en 2003. Il met 6 mois à se décider à quitter Swiss Life pour AGF/Allianz en 2008, mais finalement le défi que représente le chantier de transformation du groupe l’emporte.
« C’est intéressant parce que quand j’étais chez GAMF, c’est devenu Azur Assurances ; je suis arrivé à la Société suisse et on l’a transformé en Swiss Life et j’arrive ici à AGF et on la transforme en Allianz. Je me suis dit, finalement j’aime bien transformer ! ». Reprendre des entreprises et les transformer de fond en comble est une activité qu’il a déjà exercée au tout début de sa carrière chez le repreneur d’entreprises en difficulté.

Après avoir réussi le changement de marque, il devient en 2010 président directeur général d’Allianz France. Lorsqu’on lui demande quelle sera la « patte Richier » chez Allianz, il répond : « Cette entreprise qui était vue comme un loser avec une image vieillissante et en perte de vitesse, est devenue une entreprise dynamique, en conquête, en pleine transformation, et qui, a mon avis, n’a pas encore tout donné aujourd’hui », résume-t-il.
Inlassablement, Jacques Richier regarde vers les sommets.

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