PORTRAIT :
Philippe Barret,
le coeur à la course

PORTRAIT : Philippe Barret, le coeur à la course
PORTRAIT : Philippe Barret, le coeur à la course

Philippe Barret, directeur général du groupe Apicil, sera l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 22 mars 2023. Voici son portrait.

Réaliser le portrait nécessite toujours une rencontre d’une grosse demi-heure, parfois un peu plus, avec l’invité. Pour le groupe Apicil, direction Caluire-et-Cuire (69) où se trouve, encore pour un an, son siège social, avant un déménagement à Lyon Part-Dieu qui fera économiser une bonne demi-heure de transfert aux visiteurs arrivant par train.
Le rendez-vous se tient dans le bureau du directeur général qui nous récupère au milieu des clients dans « l’agence Apicil » qui sert aussi de bureau d’accueil. Cette simple expérience mérite le déplacement.
Philippe Barret en costume gris est accompagné d’un grand soleil hivernal. La vue depuis le bureau donne sur de grands arbres et le directeur général est tout sourire, franc et direct.

Philippe Barret est né le 9 janvier 1965 à Rive-de-Gier dans la Loire (42), à la frontière avec le département du Rhône (69). Il grandit là, marqué par l’évolution économique de la ville, située entre Saint-Etienne et Lyon. « C’est une ville ouvrière plutôt triste, frappée par la désindustrialisation. C’était la métallurgie et l’industrie du verre avec la très grosse usine BSN. Si vous passez sur l’autoroute, vous voyez encore beaucoup de friches industrielles. Certaines ont été réhabilitées, mais l’endroit reste un peu sinistré », confie-t-il.
Fils aîné d’un père ouvrier et d’une mère institutrice, Philippe Barret enfant rêve des étoiles et voulait être astronaute. « J’ai presque essayé, je voulais faire l’école de l’aviation civile mais je n’ai pas insisté, il fallait avoir une bonne vue, que je n’ai pas. Et puis je ne sais pas comment j’aurais fait, j’ai déjà le mal des transports en bus, alors dans une fusée… », lâche-t-il dans un rire, premier d’une longue série.
À l’école, « j’étais un bon élève, appliqué. J’ai fait mon CP dans la classe de ma mère et j’ai toujours cherché à être un très bon élève. Je n’étais pas du tout un rebelle… enfin pas à l’époque », affirme-t-il en riant.
Si astronaute n’est plus d’actualité, il est conscient de l’importance de l’école dès l’enfance. « Je savais que je voulais faire des études, je ne voulais pas être ouvrier. J’avais une idée de l’ascenseur social, même si je n’étais pas spécialement poussé à la maison. Il n’y avait pas de pression particulière ». Il semble plutôt se mettre la pression seul pour être le meilleur élève, sans idée d’un quelconque métier.

Meilleur élève

Ses très bonnes notes au lycée lui ouvrent les portes des classes préparatoires. « Là, l’idée est très claire : réussir le concours de Polytechnique. J’étais toujours dans mon projet de meilleur élève. Logiquement, c’était entrer à l’X. En plus, c’était payé ! »
La prépa est à Saint-Etienne et Philippe Barret a deux ans d’avance. Le bachelier n’a que 16 ans donc mais dispose d’un petit appartement non loin de l’établissement. Il se souvient de ces années un peu dures, mais d’émancipation. « Je rentrais simplement le week-end. Ça m’a plu d’être indépendant très tôt. Même si j’avais un appartement sans chauffage, sans salle de bains, sans toilettes, tout était sur le palier. C’était assez rustique mais ce sont les années pendant lesquelles j’ai vraiment beaucoup travaillé », explique-t-il. Car côté scolarité aussi, c’est un autre monde. « Au lycée j’étais le premier, et là je me retrouve dernier en prépa, avec de très très mauvaises notes. C’était facile jusqu’au bac mais il a fallu travailler beaucoup plus. » Ce qui ne le gêne pas. Philippe Barret analyse ainsi son tempérament : « J’aime bien la difficulté, les challenges importants, les situations difficiles. Je m’en rends compte maintenant. »
En prépa, il vise encore très haut. « Notre lycée ce n’était pas Louis le Grand. Au mieux, il y en avait un qui était pris pour Polytechnique. Ce fut le cas l’année où j’ai passé le concours, mais ce n’était pas moi… » Avec un copain, ils n’en sont vraiment pas loin. Il décide alors de retenter sa chance avec une nouvelle année de prépa. « J’ai fait la rentrée… et je remercie le prof de maths ! Le premier jour, il me fait passer au tableau, il m’humilie sur un exercice que je ne savais pas faire. Je me suis dit que je n’allais pas refaire une année dans ces conditions. J’avais Centrale, l’ENSAE… Je me suis dit que ce n’était peut-être pas si grave de ne pas faire l’X », raconte-t-il en riant. « Oui, je continue de remercier ce professeur. Je ne sais pas si c’était fait exprès, si c’était sa façon d’accueillir les 5 ½, mais il m’a fait prendre une décision que je n’ai jamais regrettée. J’ai arrêté la prépa et je suis parti pour l’ENSAE du jour au lendemain ».
Il ne sait pas encore quelle profession exercer ensuite. « Prof, je me suis posé la question au moment des concours. J’ai passé Normale Sup. À Ulm, j’avais été recalé mais pris ailleurs. J’ai alors vu qu’il y avait des gens beaucoup plus intelligents que moi car je n’avais même pas compris la question ! », lâche-t-il dans un rire avant de reprendre son sérieux : « Je voulais ‘faire quelque chose’ plutôt qu’enseigner ou faire de la recherche. J’avais envie de réaliser, d’avoir un impact. »

Plongeon dans la protection sociale 

Malgré tout, « à la sortie de l’ENSAE, je ne sais toujours pas ce que je veux faire. Fin 1986, je pars pour un VSNA (volontariat au service national actif, sorte de service militaire à l’étranger, ndlr) en Côte d’Ivoire, et j’entre à la direction de la prévision du ministère des Finances ivoirien. » L’histoire se prolonge ensuite par un contrat de coopérant de 1988 à 1990. « Il y avait des raisons financières, c’était très intéressant, et je n’avais pas tout a fait perdu la foi : je me sentais utile de pouvoir contribuer au développement d’un pays qui en avait besoin », explique-t-il. Mais la situation politique sur place se tend et Philippe Barret est maintenant papa. En 1990, il revient en France. Depuis, il n’est pas retourné en Côte d’Ivoire mais « c’est un projet, notamment avec ma fille aînée puisqu’elle est née là-bas. »
En France, il découvre la protection sociale, « parce que c’est là qu’on a bien voulu m’embaucher, et j’y suis resté ». Il plonge dans cet univers « complètement par hasard. Après avoir travaillé comme économiste, je pensais entrer dans une banque mais je suis arrivé au groupe Malakoff. Ce monde de la protection sociale m’a beaucoup plu. » D’abord au gré des progressions de carrière, ensuite pour la matière elle-même. Bien plus tard dans l’entretien, alors qu’il est terminé, il nous rattrapera : « vous ne m’avez pas demandé ce qui m’avait plu dans la protection sociale ». Invité à le faire, il s’explique : « Je parle de triple H… mais je crois que c’est le nom d’un catcheur », s’amuse-t-il à raison. Il poursuit : « c’est triplement humain. Par la matière qu’on assure, mais aussi par la gouvernance, humaine. C’est très très intéressant – certes je suis payé pour (par ?) ça – mais je suis devenu un fervent défenseur du paritarisme. Nous sommes gouvernés par nos clients, l’objectif premier est un objectif de service, même si la rentabilité est nécessaire. On ne fabrique rien, on est entreprise de service, et sa qualité dépend de la qualité des femmes et des hommes qui le délivrent ».

Quand l’X fait courir

Mais le travail n’est pas tout dans la vie de Philippe Barret. Revenons aux années de prépa.
« La deuxième chose très importante dans ma vie apportée par le concours de Polytechnique, c’est la course à pied. Je détestais le sport, je n’en avais jamais fait. Je me suis entraîné pour l’épreuve du 1000m que j’ai remportée. J’ai fait le meilleur temps mais surtout je suis devenu un joggeur assidu ». Effort et challenge, encore.
Le directeur général devient addict. « Depuis je cours, jusqu’à des marathons. J’en ai fait 43 si mon compte est bon », dit-il en jetant un œil à une armoire de bureau où sont posées des coupes, des photos et des médailles, ainsi qu’une reproduction du bateau Apicil.
« J’ai une photo ici car nous avons fait le marathon de New York avec une vingtaine de collaborateurs pour les 80 ans d’Apicil (en 2018). Tout le monde a terminé, même celles et ceux qui n’avaient jamais participé », raconte-t-il. Un an d’entraînement en interne et le virus se transmet : le sport devient un événement d’entreprise, avec le DG dans l’équipe.
« Nous participons aux jeux interentreprises dans une fédération des sports d’entreprises et je suis membre de l’équipe Apicil d’athlétisme. Nous concourrons aussi avec les athlètes handisports que nous soutenons. C’est très très sympa », ajoute-t-il. Au 8 février, date de la rencontre, Philippe Barret a déjà fait deux compétitions en 2023 mais confie que pour le marathon, « l’objectif de performance est plus difficile à atteindre maintenant, donc j’en profite pour faire du tourisme ».

Ironie du sort, le sport n’était pas une évidence pour Philippe Barret enfant. « Mes parents m’avaient forcé à faire du judo, mais ça ne m’a pas plus. Et pourtant, ça m’a sans doute sauvé la vie », déclare-t-il dans le plus grand des calmes, dévoilant un certain sens du suspense.
« Le judo m’a appris à tomber. Je perdais tous mes combats, je tombais tout le temps », s’amuse-t-il. « Et un jour, j’avais 9-10 ans, je suis tombé d’une voiture en marche… C’était dans la 2CV familiale, à l’époque sans ceintures de sécurité à l’arrière… Ma grand-mère était au milieu, ma sœur et moi de chaque côté et dans un virage, la portière s’est ouverte, j’ai fait un roulé-boulé grâce au judo. Je me suis relevé indemne, avec seulement quelques égratignures », détaille-t-il satisfait de cette anecdote.
« Tous les week-ends je cours, donc c’est déjà bien. Et maintenant, c’est un week-end au cours duquel je vois mes enfants. » Pour le week-end idéal, il y a forcément un peu de course, et la famille. « J’ai quatre enfants, à Paris, Bordeaux et à Lyon. C’est plus difficile de tous nous rassembler », explique-t-il. Parce que c’est aussi la course de la vie.

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