Portrait :
Pierre Donnersberg,
toujours 20 ans

Pierre Donnersberg, président de Siaci Saint Honoré, est l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance, le 17 octobre.

Le quartier des Batignolles est en pleine effervescence. Le ballet des engins de chantier au milieu des piétons en tenue de bureau est cocasse sous le soleil du mois de septembre. Dans le hall de SIACI SAINT HONORE, Jean-Marie Le Guen, Stanislas Chapron et les salarié·e·s du courtier arrivent en rang dispersés. Quelques minutes après, nous entrons dans le vaste bureau du président. Costume bleu et grand sourire, Pierre Donnersberg est à l’écoute et rit de bons cœur sur ses expressions favorites.

Pierre Donnersberg est connu et reconnu dans le monde de l’assurance, qu’il traverse et anime depuis près de 50 ans. Pour nous, c’est une première tout a fait exceptionnelle et très originale : tirer le portrait d’une personnalité de l’assurance disposant déjà de sa propre biographie officielle !
Pourtant, il restait quelques zones d’ombre dans l’ouvrage de Jacques de Baudus, Tu vois c’que je veux dire, paru au cours de l’année 2018.
C’est dans ces recoins de la vie d’un Pierre Donnersberg affable que nous vous emmenons.

Pierre Donnersberg est né à Oran, en Algérie alors française, le 17 août 1947. C’était il y a plus de 70 ans, mais il ne faut pas s’y tromper, le patron de Siaci Saint Honoré a « 20 ans » dans sa tête. Fils unique, Pierre Donnersberg vit une enfance heureuse à Oran, jusqu’à la guerre d’indépendance.
En quelques mois, d’octobre 1961 à février 1962, son père décède et il doit quitter, avec sa mère, l’Algérie. « Entre ma vie aujourd’hui et ma vie à quinze ans, après ces événements… », il s’arrête. Puis reprend. « Je n’étais pas bien, ça a été très compliqué. J’ai tout planté. Mes études, tout. Ça a été un tsunami total ».
La question de savoir ce qu’il rêvait de faire quand il était enfant paraît soudain bien dérisoire. « J’ai eu cette cassure avec l’Algérie et la mort de mon père qui a bouleversé ma vie, une vraie cassure. Toute l’enfance heureuse que j’ai vécue et ensuite l’adolescence qui a été une horreur totale. Ma mère était tétanisée qu’il m’arrive quelque chose. Elle ne me laissait pas bouger. Elle avait peur de me laisser vivre ma vie. Et même moi, je ne savais même pas si j’avais envie de vivre… »

Retours et allers

Peut-on réparer cette blessure avec l’Algérie ? Rien n’est moins sûr. Mais une question méritait d’être posée : Pierre Donnersberg est-il retourné à Oran, ou même en Algérie ?
« Alors… Je voulais y aller, je veux y aller, et j’ai même dans mon passeport un visa pour pouvoir y aller. Et je vais y aller. A chaque fois il y a eu des dates qui n’ont pas collé, mais je vais y aller », assène-t-il, laissant transparaître une envie profonde.
« J’ai un visa d’un an, que m’a fait avoir un copain, qui me permet, si j’ai envie maintenant d’aller à l’aéroport, (il claque des doigts) de prendre un billet et d’y aller. Et je vais y aller ! »
Cette décision semble toute récente et elle l’est.
« Un copain que j’adore particulièrement, Alexandre Arcady le metteur en scène des films Le Grand Pardon, Ce que le jour doit à la nuit, né à Alger et qui a une histoire comme en ont tous les pieds-noirs qui sont revenus, m’a dit, ‘il faut que je t’emmène !’ Et avec une autre personne qui est François Touazi, qui travaille chez Ardian et qui est devenu un grand copain, qui m’a fait obtenir le visa tout de suite. Il m’a dit ‘comme ça tu as un visa d’un an et tu y vas quand tu veux’… On voulait y aller il y a un an, mais il fallait trouver des dates. Au début on voulait partir à deux, et puis on voulait aller plus loin, à plus, et puis finalement on était 50 et puis ça ne s’est pas fait », finit-il dans un rire sonore.
Il n’a plus d’amis de cette période. « J’ai perdu tout le monde… Tout le monde a perdu tout le monde ! L’un des copains avec qui j’ai grandi est parti en Espagne. On s’est appelé mais le lien quotidien est rompu. Et c’est le lien quotidien qui fait la réalité des amitiés, le reste c’est de la littérature », avance-t-il dans une de ses conclusions sans appel dont il a le secret.

Echecs et strat’

Après des études en échec, Pierre Donnersberg tente de trouver du travail. C’est une cousine qui lui trouve une place d’employé de bureau, « régleur sinistre, tout en bas de l’échelle » à LA SÉQUANAISE. Il se souvient de ce nouveau monde surréaliste. « Il y avait des grandes pièces, en batterie, avec des bureaux partout. Le chef de service était au bout, on était cinquante personnes. Il y avait même des cabines pour dicter les courrier. Les mecs portaient les dossiers, à l’ancienne. On est en 1967, rue Jules Lefebvre. J’étais tout content de trouver un job parce que je me demandais ce que j’allais faire de ma vie. »
Il reprend une anecdote racontée par Jacques de Baudus dans la biographie. « À l’époque je fumais et le comble du snobisme c’était le briquet Dupont. Avec mon premier salaire, 500 francs, je me suis payé un briquet », lâche-t-il tout sourire. « On l’ouvrait comme ça (il mime le geste des doigts), si tu te débrouillais bien, t’allumais ta clope en un geste et tu frimais auprès des filles », s’amuse-t-il, avant de hausser la voix : « J’ai acheté le briquet 250 francs et je me suis dit, ‘je suis mort debout’ ! Quinze jours de travail pour me payer un briquet ! », explose-t-il dans un grand rire.
Autant être honnête, l’assurance le laisse plutôt froid. Ce premier boulot, c’était pour manger. Qu’est-ce qui fait qu’il reste dans l’assurance ? « Qu’est-ce que je peux vous dire… Toute ma vie est faite d’opportunités. La construction du groupe, ce ne sont que des opportunités. Il n’y a pas de stratégie… Je ne suis pas arrivé à la Compagnie Financière en disant « je vais construire le premier courtier européen de taille mondiale. C’est ce qui est extraordinaire dans la vie, chaque fois qu’on avance, on met en place de nouvelles stratégies. »
Dans la vie comme dans les affaires, Pierre Donnersberg s’amuse. Et avance étape par étape. « Je vous dis aujourd’hui qu’on peut avoir une ambition mondiale, je vous aurai pas dit ça il y a cinq ans ! Et dans cinq ans, je ne sais pas ce qu’on fera. »

Moteur turbo

Se pose alors la question centrale. Qu’est-ce qui anime Pierre Donnersberg ?
« Ma boîte, je l’aime cette boîte. Et puis les gens qui y travaillent. Moi j’aime les autres, ça fait partie de ma vie », répond-il, évasif. On sent pourtant autre chose, de plus profond, de plus lointain…
« Le vrai moteur, c’est la soif d’entreprendre, de rêver, surtout quand vous en avez été empêché jeune par la vie, qui ne vous laissait aucun espoir. »
Aimer les autres prend une dimension toute particulière pour Pierre Donnersberg. La question récurrente de savoir ce qu’était un week-end idéal pour un ou une dirigeant·e de l’assurance a déjà été abordée dans la biographie, et les week-ends de Pierre Donnersberg sont un modèle de temps partagé avec la famille et les amis.
Et pourtant, ce lundi 17 septembre 2018, jour de l’entretien, faisait suite à un week-end différent mais tout aussi incroyable. Ce dimanche 16 septembre, il n’y avait pas le fameux « dîner des potes » ! « Et bien non ! Ma femme m’a fait une énorme surprise. Elle m’a emmenée dans l’île où est né mon grand père en Italie, à Procida, au large de Naples. Je disais toujours ‘il faut que j’y aille’. On a pris l’avion, on est arrivé à Naples et on s’est promené toute la journée à Procida. J’ai essayé d’imaginer mon grand-père partant de son île… »
De l’art, qui pourrait être sa façon de s’apaiser, à ses multiples racines, Pierre Donnersberg recrée l’unité autour de lui et y puise l’énergie d’aller où bon lui semble.

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