PORTRAIT :
Sophie Elkrief,
l'optimisation constructive

PORTRAIT : Sophie Elkrief, l'optimisation constructive
PORTRAIT : Sophie Elkrief, l'optimisation constructive

Sophie Elkrief, directrice générale d’Aésio Mutuelle, de l’UMG Aésio Macif et directrice générale déléguée du groupe Aéma, sera l’invitée du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 22 septembre. Voici son portrait.

Il fait chaud au premier jour du mois de septembre. Les locaux d’Aésio, derrière l’église Saint Augustin, sentent le neuf et quelques signes montrent que les travaux ne sont pas terminés. Sophie Elkrief nous reçoit dans un bureau encore nu de toute personnalisation. Entre son arrivée et les confinements, l’aménagement a pris du retard. Volubile et efficace, avec un penchant pour les anglicismes, la directrice générale d’Aésio Mutuelle, de l’UMG Aésio Macif et directrice déléguée d’Aéma prend le temps pour cet exercice si particulier du portrait.

Sophie Elkrief est née le 23 septembre 1972 à L’Haÿ-les-Roses, dans le Val-de-Marne (94).
Ne vous y trompez pas, elle est « parisienne depuis toujours ». Elle grandit dans le XVIe arrondissement de Paris, entre les Porte d’Auteuil et Molitor et Boulogne Billancourt.

D’emblée, elle précise que « mes parents sont juifs marocains et ont quitté le Maroc à l’indépendance du pays, en 1956 ». C’est très important pour Sophie Elkrief. « Il y a eu une rupture dans leurs vies, ils ont dû se reconstruire en France », explique-t-elle. « J’en parle parce que c’est très présent dans mon éducation, qui a toujours été très française, avec un très fort désir d’intégration, une reconnaissance de cette deuxième chance ». Ce modèle éducatif porte haut « le respect de la République et de la méritocratie républicaine », ce qui aura son importance un peu plus tard.
Forcément, l’école est très importante mais Sophie Elkrief se décrit surtout comme une « très bonne élève, une première de la classe, parce que j’avais des facilités. Je n’ai pas eu à travailler beaucoup au départ, ce fut le cas après, en classes prépa ». Elle estime avoir un « sens de l’optimisation » qu’elle tente de transmettre à sa fille : « je lui dis de bien écouter en classe et de devenir intelligemment paresseuse », rit-elle, « comme ça tu pourras consacrer ton temps et ton énergie sur ce que tu aimes ». Au fil de l’entretien, ce sens aigüe pour prioriser ressort, comme un marqueur de carrière.

Les Ponts de Paris, mais une fibre éco-fi

Elle poursuit sa scolarité au lycée Louis Le Grand, sur les conseils de son ancien proviseur et continue d’exceller. « J’avais des facilités en maths, mais est-ce que j’aimais ça ? Je suis incapable de vous le dire », raconte-t-elle, faisant les questions et les réponses. Elle n’a aucune idée de ce qu’elle fera plus tard, mais suit la voix royale. Après la prépa, Sophie Elkrief rentre à l’école des Ponts et Chaussées, « parce que c’était à Paris ! C’était un vrai critère de choix pour moi », lance-t-elle dans un sourire.
En cours de scolarité, elle part à New York pour y travailler. « Là, j’ai surtout fréquenté des gens qui avaient fait HEC. J’ai trouvé que je ‘fittais’ bien avec eux », s’amuse-t-elle encore une fois. Est-ce la surprise de cette confidence ou parce qu’Adrien Couret, le DG du groupe Aéma, est lui-même un ancien d’HEC ? Elle poursuit : « Quand je suis allée à New York, j’ai commencé à faire du pricing d’options exotiques, mais je me suis ennuyée et j’ai changé pour faire du financement de projets ». La vie active lui plaît mais elle ne poursuit pas de plans de carrière, semblant saisir les opportunités.
« J’ai plutôt été drivée par les rencontres que j’ai faites. Je suis très curieuse intellectuellement, ce qui m’intéresse c’est de découvrir des nouveautés. Je suis assez agnostique par rapport au secteur d’activité… » Elle marque une pause et ajoute : « Ce qui est très important pour moi, c’est d’être dans le cœur du métier. Je faisais de la finance dans une boîte de finance mais je ne me voyais pas en faire dans une chaîne de magasins de mode par exemple. Là, la finance est une fonction support, le cœur du métier c’est le design, de la mode… »

MBA et découvertes

« J’avais fait de la banque d’affaires mais le mode de fonctionnement ne me convenait pas. Corvéable à merci, très militaire, ça ne me plaisait pas tant que ça », confie-t-elle. Sophie Elkrief se tourne vers les MBA pour parfaire ses connaissances et découvrir de nouveaux horizons. Reprendre des études pendant la vie active lui a beaucoup plu.
« J’avais plus de maturité et c’était une expérience très intéressante, très internationale. Quand on est plus adulte, avec une expérience professionnelle, on a une véritable envie de profiter de l’enseignement. On est receveur, c’est exceptionnel. C’est une chance de pouvoir encore se former et étudier », s’enthousiasme-t-elle.
Elle sort diplômée de l’INSEAD et entre chez JP Morgan. Mais Sophie Elkrief veut revenir à Paris, après sept ans entre New York et Londres. « Je suis arrivée dans l’asset management un peu par hasard ». Nouvelle rencontre et nouveau « fit », cette fois avec Naïm Abou Jaoudé, un des dirigeants de Dexia Asset Management, devenu Candriam depuis.

La vie personnelle est indissociable de la vie professionnelle, selon la directrice générale d’Aésio Mutuelle. C’est une rupture personnelle qui la pousse à quitter Dexia AM / Candriam après une douzaine d’année.
Sophie Elkrief rejoint alors Meeschaert et évolue vers une nouvelle expérience de management. Elle en apprend plus sur le fonctionnement d’une entreprise, a « des interactions que je n’avais pas eues jusqu’alors. Mais au bout de quelques années, les projets de développement restaient en suspend. J’avais mis en place tout ce qu’il fallait… » Elle reconnaît à demi-mot qu’elle commençait à s’ennuyer.
Un besoin plus profond s’exprime alors : « j’avais tellement envie de voir autre chose que le monde de la finance dans lequel j’avais évolué… J’avais besoin de changer, de rencontrer des gens différents. Je venais d’un monde à part, très agréable, mais très parallèle. »
Elle trouve ce cadre à la Maif, mais plutôt à Paris qu’à Niort. « C’était une superbe expérience, j’y ai retrouvé toute ma culture, mon éducation républicaine. J’ai fait de la finance à Londres et à New York, dans des hedge funds, avec des Américains, en faisant des produits très sophistiqués sur des options, ça a très bien marché, mais c’était à des années lumières des équipes Maif, de leurs problématiques ! Et pourtant je me suis adaptée, parce que je pense que j’avais les fondamentaux dans mon éducation, dans mon vécu. Je le pense sincèrement, sinon ça n’aurait pas marché ».

La voie du Niort

Et pourtant, l’aventure commençait difficilement. Elle raconte en riant.
« Je commençais le lundi 6 mars à Niort. Je suis arrivée le dimanche soir, sous une pluie battante. Le restaurant était fermé et quand j’ai accompagné mon mari à la gare, il m’a regardé avec des yeux de cocker et m’a dit : « si tu veux rentrer avec moi sur Paris, je comprends. J’ai tenu bon et c’était une super expérience, ça n’a pas été difficile. Je dirais même que c’était surprenant », résume-t-elle, satisfaite des découvertes professionnelles et du parcours accompli.
Après trois ans chez Maif, l’éloignement du « cœur de business » la gagne.
Sophie Elkrief est alors contactée par un chasseur de tête. Elle admet aujourd’hui qu’elle ne connait pas du tout Aésio et se renseigne. « J’étais un peu la ‘wild card’ du recrutement. Le fait qu’on m’appelle pour ce job, c’était intéressant. Et le fait que Patrick Brothier, le président, veuille me rencontrer, ça me plaisait, donc j’ai accepté ce rendez-vous, quoi qu’il arrive après ». L’entretien dure trois heures, « il y a eu un bon fit », résume-t-elle. Certes, Sophie Elkreif ne vient pas la santé prévoyance, mais le poste va bien au-delà. « Pour moi c’était une opportunité exceptionnelle. Comprendre une entreprise, l’organiser et insuffler une culture commune, avec des challenges industriels… Il n’y a pas d’opportunités comme celle-ci, c’est une vraie chance, avec en plus la construction d’un groupe avec Macif. Il y a une véritable histoire à écrire collectivement ».

Arts, contemporains et classiques

Dans ce bureau un peu austère, il n’existe aucun indice sur d’éventuelles passions. « J’ai une passion pour la musique classique » finit-elle par confier, en toute fin d’entretien. Surtout, Sophie Elkrief est connue pour son intérêt pour l’art contemporain. « J’ai chiné, j’ai acheté pas mal de choses mais pas que des œuvres réussies, ou c’est mon goût qui évolue », analyse-t-elle dans un sourire. « Je m’y intéresse beaucoup, j’aime voir l’évolution. J’aime le progrès et l’art avec le progrès », explique-t-elle.
Femme « très parisienne », capable de déjeuner seule en brasserie et de descendre prendre un café au bistro à 7h le matin, Sophie Elkrief dit ne pas aimer la campagne. De peur de s’ennuyer ? « Se dire qu’on va partir à la campagne le week-end, sans rien à y faire » ce n’est pas son truc. Mais elle aime les randonnées en montagne, l’Île-de-Ré… « Je ne suis pas très sportive, j’aime le sport plaisir, il faut que ce soit satisfaisant. Je joue au tennis, je fais beaucoup de randonnées, de marches en montagne ». Elle aime la nature mais en activité, atteindre un sommet, avancer et découvrir. Et partager.

« J’aime les sports plaisirs qui se pratiquent avec des gens car j’aime l’interaction avec les autres. Je ne suis pas très course à pied ou natation mais on ne peut pas parler », lance-t-elle en riant. « J’apprécie aussi les sports qui vident la tête. Dans le yoga, il faut être ici et maintenant. On a envie de bien faire et il faut se concentrer pour y arriver et ça me détend. C’est ce que je recherche dans le sport. »
Il y a, chez Sophie Elkrief, un sens de l’optimisation – comme elle le confiait au tout début de l’entretien – que l’on retrouve chez une large majorité des dirigeants du secteur. Elle l’exprime une nouvelle fois pour parler de son week-end idéal. « C’est très bien votre question, parce que c’est très important pour moi. Je cherche à passer du temps de qualité avec ma famille et mes amis. Ce que j’appelle du temps de qualité, c’est faire des choses ensemble. J’emmène ma fille au cheval parce qu’elle adore ça, que ça la met en confiance même si les chevaux me font peur. Avec les amis, je veux construire de nouveaux souvenirs, entretenir, et continuer nos relations. Je pense que je dois toujours être active, pour faire quelque chose du temps ».
Sans donner le sentiment d’être prise dans une course contre le temps, Sophie Elkrief aime construire. Pour mieux se réaliser.

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