PORTRAIT :
Stéphane Junique,
beaucoup de soin dans l'engagement

PORTRAIT : Stéphane Junique, beaucoup de soin dans l'engagement
PORTRAIT : Stéphane Junique, beaucoup de soin dans l'engagement

Stéphane Junique, président du groupe Vyv sera l’invité du Petit déjeuner Off de La Lettre de l’Assurance le 1er décembre. Voici son portrait.

Il arrive à tout le monde d’être en retard. Ce fut le cas, cette toute fin du mois d’octobre pour Stéphane Junique. Patienter du 37e étage de la Tour Montparnasse n’est pas forcément désagréable. Et quand le président du groupe VYV, en costume sombre, vous reçoit, il garantit le temps prévu et nous ne serons interrompu qu’une fois par son assistante le rappelant à ses obligations. Tant pis pour les rendez-vous suivants.
Souriant et affable, il se prête même au jeu du portrait avec une grande facilité, sans perdre les mutuelles de vue, qu’il intègre fréquemment. « Ça vous aidera à atterrir ». Décollage.

Stéphane Junique est né le 19 avril 1973 à Valence, dans la Drôme (26).
Il y fait ses études, en étant « un élève discret et moyen », confie-t-il. Il ne semble pas passionné par le lycée. « L’année du bac, je militais bénévolement à la Croix Rouge et je pouvais devenir secouriste volontaire sur les JO d’Albertville (en 1992). Ça m’intéressait plus que de bachoter », s’amuse-t-il.
Il sort du lycée avec un Bac B en poche et part vers Paris pour suivre des études d’infirmier, « du côté de la porte Molitor et Boulogne Billancourt, à Ambroise Paré ».
Devenir infirmier ne semble pourtant pas en lien avec son cursus scolaire. Une vocation ? « Ça c’est l’autre aventure. (il marque un temps) Celle qui m’a construit. Ce qui m’a construit ce n’est pas de devenir infirmier, mais de découvrir très vite – on ne le dit pas comme ça quand on est plus jeune – ce qu’est la solidarité ».
Il raconte alors son histoire familiale, d’une traite, ou peut-être parce que la pudeur nous pousse à ne pas l’interrompre tant les circonstances exigent une la retenue.
« J’ai grandi dans un contexte familial très particulier. Mes parents se séparent très vite. Ma mère déclare une sclérose en plaques à ma naissance. »
Il développe, avec toujours autant de facilité. « C’est une maladie qui s’accentue par phase. Plus vous vieillissez, plus vous serez face à des défiances importantes, soit visuelles, soit des handicaps moteurs. Ma mère a vécu une partie de sa jeunesse extraordinaire, puis il y a ma naissance et la déclaration de sa maladie. Elle va vivre bien, jusqu’à la séparation où elle connaît un premier palier, avec le début d’un handicap physique. » Fils unique, âgé d’une dizaine d’années, Stéphane Junique doit faire face. « J’évoque ces détails parce que ça construit son homme. Quand je parle de maladie, de solidarité familiale, je sais ce que c’est. Les aidants, je sais ce que c’est. Quand ils sont étudiants, lycéens, je l’ai vécu. Ça vous forge un caractère et ça vous apprend à gérer la maladie ».

Engagez-vous

Il y a, très tôt, un souci de l’engagement, une volonté d’aider, de faire. Peut-être aussi de sortir d’un isolement quand il rappelle « Je suis fils unique » et de lier ce fait à son engagement précoce « dans la vie associative ». C’est encore une fois lié à un événement tragique, le tremblement de terre de Mexico, en septembre 1985. « Une ville s’effondre comme un château de carte. Il y a eu une mobilisation de solidarité internationale magnifique. Il y avait ces sauveteurs, pompiers, secouristes. Ce qui m’a frappé, c’est la notion d’engagement, d’aller vers l’autre. Ça a été le déclic parce que c’était une forme de résonance avec ce que je vivais à la maison. Je me suis engagé à la Croix Rouge comme ça », explique-t-il.
Pour l’adolescent, « La notion d’accompagnement est permanente. Les premières notions de handicap apparaissent vers 12-13 ans. Et ma mère m’encourage à faire ma vie, à faire autre chose. Le mercredi après-midi, je distribue les colis alimentaires. La solidarité en acte est pour moi un élément majeur. Je prends conscience que je suis un militant de la solidarité… »
Suivre ses études à Paris le met face à un dilemme. La santé de sa mère décline, mais « un médecin me prend entre 4 yeux, de façon un peu virulente et me dit que je dois faire ma vie, que ma mère me reprochera toujours de ne pas avoir tenté les choses. »
Il part donc pour Paris, plutôt que Grenoble ou Lyon où des écoles existent pourtant.
« La France était déjà en déficit d’infirmiers, donc l’AP-HP rémunérait un peu les élèves pour fidéliser les professionnels qui sortiront des écoles. Et puis c’est Paris, ça fait toujours rêver pour quelqu’un qui sort de sa province ».
Si Stéphane Junique se sent pris dans un tourbillon, il est fasciné par la capitale, encore aujourd’hui. « Quand vous êtes étudiant, dans une ville qui vous fascine, vous êtes dans un tourbillon. C’est là que la communauté des étudiants infirmiers, ça crée beaucoup de complicité avec celles et ceux qui partagent vos études. Ça a été de très très belles années », se souvient-il.

Toxicomanie, VIH et fin de vie

Il (re)plonge alors dans le soin, et en parle avec une émotion très positive.
Il évoque un stage à l’hôpital Marmottan, hôpital psychiatrique, fondé et dirigé par le professeur Claude Olievenstein, premier à définir la toxicomanie en France et spécialiste des conduites addictives. « Je suis en stage dans un centre médical qui jouxte l’hôpital et qui accueille des toxicomanes qui ont besoin de soins. Je découvre ce qu’est la santé. Pas le soin, je sais ce que c’est, mais la relation aux besoins d’une population, face à des personnes marginalisées, en situation d’exclusion. Comment leur assurer par le soin une dignité. C’est une expérience extrêmement forte, fondatrice dans mon parcours. »
Stéphane Junique est encore un jeune soignant, mais cette expérience le pousse vers l’accompagnement des malades du Sida. « J’obtiens un premier poste à l’hôpital Broussais, dans une unité liée aux malades du Sida. C’est une prise en charge de ce qu’est la maladie mais surtout de la mort à venir. » L’expérience est socialement difficile pour des patients très isolés, le contexte est dur. Mais lui semble s’y épanouir. « J’ai découvert le sujet de l’éthique en santé. Quand vous êtes dans une prise en charge de la fin de vie, face à des personnes qui sont seules parce que loin de leurs familles qui n’ont pas accepté l’homosexualité ou la toxicomanie, ça a été une expérience très forte », raconte-t-il, des étoiles dans les yeux.
Inlassablement, et plus que ça n’apparaît dans ce portrait, le président du groupe VYV fait le lien avec les mutuelles, sa fonction, la santé en France. « Je vous parle de choses intimes car un dirigeant se construit une colonne vertébrale de valeur. Je pense que je suis aujourd’hui dirigeant mutualiste parce que j’ai cette histoire. Rien, dans mon parcours, dans mon histoire, ne m’amenait à devenir président du premier groupe mutualiste dans notre pays. Un infirmier qui devient un président, ce n’est pas naturel. Et encore moins d’un groupe comme le notre. »

L’Europe, la santé, les mutuelles

Pour Stéphane Junique, « cette expérience à Broussais permet de toucher la globalité de ce que fait le soignant. Une prise en charge technique, une prise en charge sociale et avec, en plus, une dimension éthique. Ce n’est pas neutre d’accompagner des personnes en fin de vie. Il y avait une cohésion d’équipe entre médecins et soignants qui était magique ».
Bien qu’il en parle avec un certain plaisir, il ne reste que trois ans dans ce service, avant un changement radical. En 1997, il entre, au parlement européen comme collaborateur d’une députée européenne, parce que « les affaires de la cité passent par la construction de politique publique », confie-t-il.
Il se dit proche de Jean Poperenne, député socialiste du Rhône, ministre des gouvernements Rocard à la fin des années 80. Il déplace son parcours vers un engagement politique « pour changer les choses. J’aime ça. On manie des valeurs que l’on traduit en actes. »
Marie-Thérèse Mutin, lui propose « l’aventure au Parlement européen ». Nouvelle expérience, toujours aussi plaisante et riche de découverte. « J’ai eu de la chance. J’ai créé un observatoire européen infirmier, pour faire une Europe de la santé. Avec des sujets qui se posaient d’une manière forte, pour rendre l’Europe plus concrète ».
Faire les allers-retours Paris – Bruxelles – Strasbourg le fatiguent et le mandat de sa députée se termine. En 2000, il découvre Nantes en rejoignant la direction régionale des affaires sanitaires et sociales (DRASS) comme infirmier de santé publique. La France prend la présidence de l’Union Européenne et Stéphane Junique est chargé d’organiser une conférence européenne sur la thématique du suicide des jeunes. « Je rentre sur un sujet très spécifique qui m’amène ensuite à aborder les sujets de prévention en santé. Et de découvrir quelqu’un qui comptera beaucoup dans mon parcours : Étienne Caniard ». Il l’invite comme auteur d’un rapport sur des sujets de prévention, alors qu’il n’a encore aucun lien avec le monde mutualiste.
La passerelle se fera quelques temps plus tard, lorsque Jean-François Mattei, alors ministre de la santé, lance le débat sur la répartition des petits risques et grands risques entre Assurance maladie et complémentaires. « La Mutualité avait fait une campagne très pertinente sur la définition des risques. Le soignant que je suis est interpelé par cette campagne. Les mutuelles de Loire-Atlantique font à ce moment leur appelle à de nouveaux délégués et je deviens délégué comme ça… C’est un pur hasard ! »

Vercors au coeur

Il cite alors une conversation avec Thierry Derez, qu’il rencontre alors qu’il vient d’être élu président d’Harmonie Mutuelle. Après présentations et explications des parcours, le PDG de Covéa lui lâche : « Tu as quitté l’un des métiers préférés des Français pour entrer dans le métier le plus honni qui est assureur ». Il explose de rire.
Stéphane Junique fait un peu de sport, natation et course à pied « mais je n’aime pas ça », pour l’entretien. S’il admire les pianistes et violonistes, il n’a jamais appris la musique.
Et pour un long week-end, il choisirait « de partir en voyage. Pas forcément à l’autre bout du monde. J’aime beaucoup les pays d’Europe du Nord, Helsinki notamment. Mais je peux aussi revenir dans mes terres, dans le Vercors. Le Drômois que je suis a besoin de ça, de ces montagnes, des grands espaces où on randonne, on mange des ravioles, avec des copains. Le week-end idéal c’est ça, un moment partagé dans mon Vercors… » Pour conclure, nous le provoquons un peu sur Nantes, où il est élu, savoir si c’est une ville de passage ? « Non ! C’est une ville qui m’a adopté, c’est la plus belle ville de France ! »
Où, comme toujours avec lui, il est très fortement engagé.

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