Série Covid-19 :
Et nous, dirigeants en entreprise d’assurance ?

Dans la contribution précédente, Régis de LAROULLIÈRE et Jérôme CABOUAT ont exploré comment la crise sanitaire avait touché les personnes, et comment nous étions tous impliqués dans l’avenir.
Une population nous intéresse tout particulièrement : les dirigeant·e·s du secteur de l’assurance !

Le dimanche 23 février, le stade 1 de l’épidémie est déclenché en France. Le 24 février, le CAC 40 commence à dévisser. Le 25 février décède la première victime française. L’épidémie est là, dans ses dimensions sanitaire et économique. Le 29 février, 100 personnes sont diagnostiquées positives, et le stade 2 est déclenché. Le 7 mars, le Président de la République déclare encore qu’il n’y a « aucune raison, mis à part pour les populations fragilisées, de modifier nos habitudes de sortie ». Mais tout s’accélère déjà. Le 9 mars les rassemblements de plus de 1000 personnes sont interdits, le 12 mars le Président déclare la fermeture des crèches, écoles, collèges, lycées et universités, les salariés sont encouragés à pratiquer le télétravail, le 14 mars le stade 3 est déclenché et le lundi 16 mars à 20h00 est annoncé le confinement à effet du lendemain midi. Le CAC s’est effondré, en baisse de près de 40% en moins de 3 semaines.

On s’intéressera ici plus particulièrement au secteur de l’assurance. Les entreprises qui ne l’avaient pas fait fin février mettent en place leur comité de crise, qui se réunit quotidiennement, en téléconférence du fait du confinement. Ces comités, souvent le Comex réorganisé, s’appuient sur les plans de continuité des activités, qui n’avaient néanmoins pas prévu un arrêt aussi total de l’entreprise et de son environnement. Tout est important et urgent : quelles activités maintenir, avec quels moyens, a-t-on recours au chômage partiel ou au télétravail, que dit-on aux collaborateurs et aux clients ? Comment arbitrer, dans un environnement où l’incertitude est totale, à commencer par la durée du confinement : sera-ce 15 jours puis un redémarrage rapide, ou deux mois et un redémarrage progressif ?

Les agendas ont beau avoir été allégés des temps de transport et de l’annulation de la quasi-totalité des réunions, tout remonte, les urgences écrasent tout le reste. L’horizon des sujets à traiter est drastiquement raccourci, et le temps manque pour les instruire et penser le coup d’après. Il faut faire avec ce que l’on a, décider à l’instinct, donner un cap et fixer les priorités pour donner des repères aux équipes. Par exemple, traiter au mieux les clients pour les conserver au redémarrage, régler les sinistres, et parer aux initiatives des pouvoirs publics potentiellement les plus dommageables. Peut-être y a-t-il des opportunités, ou des risques spécifiques liés aux initiatives des concurrents, mais qui a le temps de s’en occuper ?

Sans reprendre ici tout le film des événements, très variable en fonction de l’activité et de la culture de chaque entreprise, il nous semble possible de tirer de premiers enseignements, de nature à nous permettre de mieux gérer un éventuel rebond, ou une autre crise, sans compter certains éléments susceptibles d’impacter le retour à la vie normale, qui pourrait être différente d’avant.

Au début, on a beau savoir que le risque existe, et le voir monter en puissance, on n’y croit pas vraiment tant qu’il n’est pas concrétisé, perdant un temps de préparation précieux. A un certain stade, tout s’accélère, cela va très vite, l’incertitude est parfois totale. Il faut pourtant porter un premier diagnostic et décider de mesures d’urgence, au risque de se tromper, et parfois décider contre l’avis ambiant dominant, comme au sujet de l’utilité des masques pour la reprise. Faire confiance à ceux qui sont au plus proche du terrain et osent assumer les responsabilités a généralement été un pari gagnant. Leur allouer des missions, leur donner de l’autonomie et éviter de tout faire remonter a été facteur d’efficacité et occasion de révéler des talents. La culture d’entreprise joue là un rôle essentiel : avoir confiance en soi, en ses chefs, en ses collaborateurs se révèle particulièrement décisif dans une telle situation.

Qui plus est, les règles du temps habituel ne peuvent s’appliquer en l’état, les circonstances imposent de les alléger. Ainsi avec l’usage généralisé du télétravail dans les services financiers, les règles usuelles de contrôle des horaires étaient devenues inapplicables. Il peut y avoir des abus, mais l’essentiel n’est-il pas que la mission soit remplie ?

L’organisation du travail n’est-elle pas l’un des domaines dans lesquels la crise générera les plus importantes transformations ? Beaucoup de salariés ont pris goût au télétravail. Une organisation privilégiant la mesure du service rendu sur celle du temps passé, les téléconférences commençant et finissant à l’heure, et l’élimination de nombreux temps de transport par rapport à l’organisation antérieure, ne serait-elle pas porteuse de gains d’efficience majeurs dans des secteurs comme l’assurance ? Naturellement, l’échange direct et l’interaction interpersonnelle demeureront nécessaires, mais peut-être le Coronavirus sera-t-il à la fois le déclic et l’accélérateur d’une transformation dont on a pu apprécier en grandeur réelle les potentialités ?

À suivre … pour l’épilogue de la série !

Régis de LAROULLIÈRE est ancien directeur général de MÉDÉRIC, et conseil en stratégie et gestion des risques
Jérôme CABOUAT est conseil de direction, spécialisé dans la dynamisation et la sécurisation des grands programmes de transformation

Toute la série est à retrouver dans la page sommaire

Réflexion n°8 : Face à une épidémie, comment piloter ?

Réflexion n°9 : Et nous, individus et citoyens ?

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